Le réveil de la veille : prendre soin plutôt que de surveiller.

Article paru il y a quelques temps dans Intercdi et comme on me le demande, il est temps de le diffuser sur le blog.  ref. Le Deuff, O. (2009). « Le réveil de la veille : prendre soin plutôt que surveiller ». Intercdi, (220), 66-68. J’ai retiré quelques élements anciens notamment images et tableaux.
 
« Au fin fond de l’univers, à des années et des années lumière de la Terre, veille celui que le gouvernement intersidéral appelle, quand il n’est plus capable de trouver une solution à ses problèmes, quand il ne reste plus aucun espoir : le capitaine Flam. »
Cette phrase célèbre prononcée en exergue de chaque épisode du capitaine Flam, captain futur pour les anglo-saxons, la dimension super-héros mise à part, montre en fait une image de la veille qui nous semble bien plus convenir aux actuelles évolutions de stratégies et des outils de veille documentaire et informationnelle. Il s’agit d’une dimension qui cherche à développer le sens de « prendre soin » de l’autre, ce qui est valable pour nos proches, mais aussi collègues et élèves. Les travaux de Bernard Stiegler[1] peuvent ici nous éclairer :
« Prendre soin, ici, signifie aussi faire attention, et d’abord porter et prendre attention à soi-même, et par la même occasion, aux siens, et aux amis des siens, et donc de proche en proche, à tous : aux autres quels qu’ils soient, et au monde que l’on partage avec eux en sorte que la formation d’une telle attention constitue une conscience d’universalité fondée sur (et profanée par) une conscience de singularité. »
Notre propos ne concernera pas les systèmes de types netvibes mais d’autres moyens de faire de la veille même si les univers netvibes constituent des instruments recommandables[2]. De la même nous n’évoquerons l’utilisation d’outils tels Google Reader qui permettent de réaliser un veille poussée et de la partager.
La veille change et de plus en plus ce ne sont pas seulement des mots-clés voire des sites que nous surveillons mais bel et bien des personnes. Le site Twitter[3] est l’exemple le plus flagrant de ce déplacement. Ce qui peut sembler comme je l’ai parfois qualifié de communication klean-ex[4] s’avère en fait bien plus riche et correspond à une vision non pas à la « big brother » mais plutôt à la little sister où chacun surveille tout le monde tout en étant lui même surveillé par les autres. Communication klean-ex dans la mesure où Twitter limite l’expression à 140 caractères et qui parfois nous transporte dans le culte de la transparence mais qui permet d’échanger de l’information et d’amorcer des discussions. Comme le résume bien Olivier Ertzscheid, l’homme est devenu un document comme les autres[5]. Evidemment, cela implique une gestion de son identité numérique. Nous nous attarderons par ce sujet ici, mais simplement nous voulons souligner que cette identité individuelle s’inscrit pleinement dans un collectif et que c’est ce dernier qui peut conférer une bonne ou mauvaise image, pour ne pas dire une bonne ou mauvaise réputation.
Dès lors, il faut sortir de la logique de la surveillance et aller dans une autre direction qui correspond davantage à l’inscription de l’individu dans un collectif qui lui permet à la fois de se valoriser personnellement (individuation) et de participer au travail collectif. Les réseaux de signets type diigo, delicio.us ou ma.gnolia permettent ainsi de partager sa veille avec le plus grand nombre, de créer des groupes thématiques également. Ils reposent sur des folksonomies[6], mot composé par Thomas Vander Wal à partir de folk et de taxonomy et qui définit la possibilité offerte à l’usager d’ajouter des mots-clés appelés tags à des ressources. Nous encourageons donc nos lecteurs à utiliser ces systèmes.
Nous pouvons considérer qu’il s’agit d’une intelligence collaborative ou coopérative. Un peu à l’instar de l’ensemble des astronomes amateurs ou professionnels d’ailleurs qui braquent leurs télescopes sur la galaxie, la veille collaborative permet de se partager les découvertes selon les domaines et selon les disponibilités. Cela peut donc se faire entre un nombre d’utilisateurs restreints sur un domaine particulier comme dans l’exemple suivant qui montre un groupe thématique alimenté par un groupe limité d’usagers qui partagent leurs découvertes concernant les folksonomies.
L’autre stratégie, c’est de surveiller non pas une thématique mais tout simplement de voir les derniers signets des membres de votre réseau. Il s’agit dès lors d’identifier les personnes dignes de confiance et d’intérêt pour votre veille personnelle. Il est également intéressant de parcourir les réseaux de personnes pour découvrir ainsi de nouveaux veilleurs.
 
Prendre soin plutôt que de surveiller.
Dès lors, pour reprendre l’expression de Bernard Stiegler, il s’agit de “prendre soin”, ce n’est pas de la veille type surveillance qu’il faut mettre en place, mais de la confiance et de la mise en valeur. En quelque sorte, c’est là que réside la différence entre la culture de l’information de type citoyenne ou éducative par rapport à la vision “intelligence économique” : la confiance plutôt que la défiance. Un travail peu évident car notre époque est profondément marquée par la guerre froide et la lutte contre le terrorisme. Dans ces conditions, l’autre est souvent synonyme de danger ou de méfiance. Aujourd’hui si pronétariat[7], il y a vraiment, il s’agit pour ce dernier de travailler à la création de valeur et de veille. Et c’est bien cette dimension qui peut permettre aux réseaux d’être véritablement sociaux. Nous ne devons pas surveiller les activités dans un but d’espionnage mais dans une optique de partage de connaissances, de savoirs. Il s’agit de travailler à de la confiance mutuelle et à la mise en valeur de personnes que nous avons identifiées comme fiables et intéressantes.
Les personnes de mon réseau twitter ne sont pas des personnes que j’espionne mais des contacts que je mets en valeur, que je distingue et dont il “faut prendre soin” d’écouter et parfois de prendre soin tout court. Désormais ce n’est pas notre seule valeur qui est prise en compte mais bel et bien la force de mobilisation de notre réseau.
 
Veiller sur les traces
Les outils du web 2.0 tardent à être pleinement utilisés dans l’Education Nationale. D’autre part, il me semble qu’encore une fois, c’est une logique d’adaptation qui prédomine et nullement une volonté proactive de mettre en place des stratégies pédagogiques. Pourtant, il y a urgence à s’emparer des possibilités qui s’offrent à nous. Néanmoins, derrière l’apparente simplicité, il faut être capable de songer à (ou penser la) la complexité. Mais cela ne peut se faire qu’au travers de la construction de scenarii pédagogiques, de parcours permettant l’acquisition de savoirs et de compétences et pas uniquement en « infodoc ». Il ne s’agit pas non plus de parler d’éducation 2.0 ou d’user des termes similaires qui sont en fait ridicules et qui demeurent l’apanage de consultants qui n’ont jamais exercé parfois en établissements. L’éducation demeure un concept qui ne mérite pas l’adjonction d’un quelconque 2.0, cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas faire évoluer le système bien au contraire. Les portfolios, les blogs, les plateformes d’enseignement en ligne et autres wikis permettent une meilleure gestion de la trace et donc de la progression de l’élève. Cela permet une pédagogie davantage différenciée et individualisée et plus motivante. Evidemment cela ne peut être sans incidence sur le fonctionnement actuel toujours basé sur la logique de la captivité. Il s’agit donc de permettre à l’élève de garder en ligne ses travaux, ses cours mais aussi les exercices avec un suivi plus fin et plus précis de la part de l’enseignant. Ce travail a également pour but de montrer la dimension éducative et pédagogique des nouveaux outils. De la même manière, cela permet d’enseigner plus efficacement aux élèves à mieux gérer leurs activités personnelles sur le web grâce à une utilisation plus réfléchie et surtout moins ancrée dans l’imitation du profil myspace ou du skyblog du camarade qui dévoile des informations qui pourraient devenir compromettantes dans un avenir plus ou moins proche.
Bernard Stiegler nous met en garde sur le fait que les nouveaux outils peuvent constituer tout autant des moyens de veiller que de sur-veiller. Il faut pour cela tout autant nous ré-veiller afin que nous ne soyons pas acteurs d’une société de surveillance mais de veille et de confiance. L’occasion aussi de rappeler que si nous ne pouvons totalement échapper aux objets techniques, aux caméras et autres dispositifs de « traquage » de nos activités et de nos traces, nous devons garder notre distance critique, l’esprit documentaire à l’œuvre dans nos professions, cet esprit dans la machine dont je parlais au congrès de la Fadben en mars dernier[9]. Cet esprit documentaire, c’est le nôtre et il est d’autant plus fort si nous travaillons ensemble même s’il ne s’agit pas vraiment d’intelligence collective. Il ne nous reste plus qu’à embarquer à bord du cyberlab du capitaine Flam …à moins que ce ne soit à bord de l’Atlantis d’Albator, bref il nous faut réenchanter le monde comme le préconise encore Bernard Stiegler [10] :
« Réenchanter le monde, c’est le faire revenir dans un contexte de milieux as-sociés, et reconstruire l’individuation comme association (…). »
C’est-à-dire permettre à l’individu de se construire au sein de collectifs d’humains et de techniques afin de prêter attention à nous tous.
 

Nous faisons ici référence aux travaux de Bernard Stiegler, philosophe de la technique qui est actuellement directeur du département du développement culturel au Centre Georges-Pompidou. Le concept de milieu associé auquel nous faisons référence  vient initialement de Gilbert Simondon dans son ouvrage « Du mode d’existence des objets techniques ». Il désigne chez Stiegler « un milieu social, réunissant les êtres humains et les médiations techniques à travers lesquels ils interagissent »[11]. Sur ces questions, il convient d’aller voir le travail d’Alexandre Serres en ce qui concerne les apports potentiels de Stiegler à la culture de l’information sur le site du GRCDI (Groupe de recherche sur la culture et la didactique de l’information) et notamment le séminaire de septembre 2008 :
 
Et donc pour le plaisir, le générique chanté par JJ. Debout
 


[1] Stiegler, B. (2008). Prendre soin : Tome 1, De la jeunesse et des générations. Flammarion. P.319
 
[2] Une sélection d’univers netvibes est réalisée par Brigitte Pierrat sur cactus acide : < http://www.culturedel.info/cactusacide/2008/04/08/selection-univers-netvibes/>
[3] <http://www.twitter.com>
[4] Et in arcadia ego : vers une culture de l’information et de la communication. Billet de l »invité d’Urfist-info du 31 août 2007. <http://urfistinfo.blogs.com/urfist_info/2007/08/et-in-arcadia-e.html>
[5] Voir à ce sujet, le panorama réalisé par Olivier Ertzscheid : < http://www.slideshare.net/olivier/lhomme-est-un-document-come-les-autres/>
[6] Sur le sujet, voir mon article : « Folksonomies : Les usagers indexent le web », BBF, 2006, n° 4, p. 66-70. < http://bbf.enssib.fr/sdx/BBF/pdf/bbf-2006-4/bbf-2006-04-0066-002.pdf>
[7] Rosnay, J. D., & Revelli, C. (2006). La révolte du pronétariat : Des mass média aux média des masses (p. 250). Fayard.
 
[8] < http://www.neuroproductions.be/twitter_friends_network_browser/>
[9] Le support de l’intervention est disponible en ligne :< http://www.guidedesegares.info/2008/03/27/de-linnovation-a-la-poursuite-didactique/>
[10] Citation p. 52 de STIEGLER, B., Crépon, M., Collins, G., Perret, C., & Collectif. (2006). Réenchanter le monde : La valeur esprit contre le populisme industriel (p. 172). Flammarion
[11] Alexandre Serres. ( 2008) Glossaire sur Stiegler.in GRCDI < http://culturedel.info/grcdi/?page_id=80>

Veille et analyse documentaire

C’est probablement parce que je dois donner des cours à l’IUT sur le sujet que je m’aperçois qu’une pratique un peu désuète comme le résumé prend tout son sens dans un travail de veille. J’essaie depuis quelques mois de mieux détailler sur diigo les résumés des ressources que j’indexe, notamment quand il s’agit de les mettre à disposition dans le bouillon.
Lionel Dujol effectue un effort du même type en résumant de manière indicative également sa veille. Il fait le choix d’en donner moins, mais de veiller justement à une bonne qualité de l’information qui se trouve déjà pré-analysée.
La fameuse « curation » critiquée très élégamment par Frédéric Martinet, c’est en fait simplement la redécouverte d’une sélection de l’information organisée, thématisée avec des résumés au moins indicatifs. C’est aussi la possibilité d’offrir des synthèses, voire des notes de synthèses (un de mes autres cours à l’iut d’ailleurs) un peu à l’instar des excellentes réalisées à l’INRP (je me souviens jamais du nouveau nom). Bref à nouveau de la documentation pur jus. On a beau dire, on y revient toujours.
Ces techniques d’analyse de l’information sont pleinement essentielles aujourd’hui. Plusieurs formes sont évidemment possibles. Les méthodes cartographiques mériteraient d’être considérées comme des analyses à part entière. Récemment, j’ai proposé à mes étudiants de travailler à partir d’un texte complexe et assez long de Rémi Sussan qu’ils devaient résumer. Pour mieux les aider dans cette tâche, on a procédé collectivement à une cartographie des concepts et des idées fortes avec cmaptools. Voici la réalisation faite en cours

Visualisation du texte de Rémi Sussan

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Tout cela pour dire, qu’il faut que le travail de veille ne soit pas qu’un simple signalement mais qu’il constitue une étape propice à la réflexion et à l’apprentissage de connaissances. La jolie carte de Richard Peirano pour explique son PLE (Personal Learning Environment) s’inscrit dans ce cadre.

Désormais, ces techniques d’analyse documentaire se déclinent et peuvent connaître diverses formes avec le numérique. Les outils de « curation » présentent donc des intérêts à condition qu’ils ne demeurent pas de simples gadgets mais bel et bien inscrit dans une stratégie d’analyse poussée.

Veiller plutôt que de surveiller mais d’abord se réveiller

Les critiques émises à l’encontre de Christine Griset sur quelques listes professionnelles des professeurs-documentalistes méritent que l’on y réponde. Derrière les critiques se trouvent principalement des reproches identitaires voire des querelles de légitimité. Il est possible de critiquer le travail de Christine Griset dans une optique constructive car un travail de veille régulier ne peut être totalement parfait. Le problème de Christine Griset c’est que l’institution ne semble guère lui porter d’attention ce qui produit un réflexe logique de retrait, qui explique qu’elle ne mentionne pas nécessairement le nom de son établissement d’autant plus qu’elle s’y sent exclue. Qui n’a jamais été dans cette situation où n’avons pas envie de mentionner telle ou telle donnée professionnelle car nous ressentons un sentiment faible d’appartenance. Je songe que durant cette année, j’ai bien failli signer des articles sans aucune mention d’appartenance institutionnelle du fait de problèmes administratifs.
Par contre, il serait injuste que Christine Griset soit critiquée sur ce point par ses pairs qui au contraire doivent la soutenir. Je rappelle que notre rôle est bien de créer des milieux associés permettant à chacun d’entre nous de s’exprimer au mieux dans sa conception du métier. Si Christine apporte de la valeur ajoutée à notre travail collectif, il est logique qu’elle reçoive en retour de l’estime. Si Christine Griset veille pour vous sur cactus acide, cela signifie que nous aussi devons également veiller sur elle ainsi que sur l’ensemble des collègues.
Il est vrai que ce rôle devrait être mieux assumé par la hiérarchie mais les managers français qu’ils soient du privé ou du public manquent trop souvent de capacité de valorisation de leurs personnels. Car lorsque l’on redonne de la valeur, on crée de la confiance mutuelle. Or il semble que désormais, la confiance soit brisée au sein de l’Education Nationale. Or s’il ne règne plus que méfiance voire défiance au sein du lieu de formation des futurs citoyens, l’avenir semble bien inquiétant.
Bernard Stiegler prévient que les nouveaux outils peuvent constituer tout autant des moyens de veiller que de sur-veiller. Il est de notre rôle de tout mettre en œuvre pour qu’il s’agisse de veille plutôt que de sociétés de contrôle sans quoi les dénonciations personnelles et les critiques personnelles auront tôt fait de nous plonger dans une léthargie qui fera le jeu des manipulateurs et des médiocres. C’est certes complexe d’imaginer un système où les points de vue différents et les critiques nous permettraient quand même d’avancer au-delà des dogmatismes. Sans doute faut-il avant de veiller déjà nous Ré-veiller…

La culture du boustrophédon

Je mets en ligne, le texte de mon intervention de la journée des professeurs-documentalistes de l’Académie de Lyon.
Je remercie encore une fois les organisateurs pour leur invitation. J’espère que le texte permettra d’éclaircir quelques points d’une intervention sans doute trop brève.

 

Tice, socle commun et professeurs-documentalistes :

Mettre en place la culture du boustrophédon pour une meilleure gestion de la progression via de nouveaux outils et de nouvelles stratégies.

 

Introduction :

Le boustrophédon désigne étymologiquement le trajet des bœufs lors du labour marquant les sillons dans les champs de droite à gauche puis de gauche à droite. Par extension, le boustrophédon désignait une écriture qui ne revenait pas à la ligne. Le sens actuel est proche celui d’un palindrome. (ex : le mot port se lit trop en sens inverse)

 

Ce qui m’intéresse dans l’idée de la culture du boustrophédon c’est l’idée de cheminement permettant une mesure du parcours accompli mais qui constitue une progression ouvrant un passage inédit. Un moyen d’échapper à l’âge de la vitesse et d’illustrer la fameuse phrase de René Char « le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » cité d’ailleurs par Hannah Arendt dans la crise de la culture. C’est aussi l’idée de la trace permettant la mesure de la faculté à progresser. C’est d’ailleurs cette dernière qui mériterait d’être évaluée et pas seulement une mesure effectuée durant un contrôle lambda qui ne s’inscrit pas dans une réelle progression.

 

Mon intervention porte plus particulièrement sur les Tice et la première remarque que je souhaiterais effectuer c’est que les TICE ne peuvent concerner uniquement que le domaine 4 du socle. Une nouvelle fois le socle commun court le même risque que les TICE et le B2I : une mise en place à la marge. Un autre risque menace également celui de la dissolution au sein des programmes des disciplines. Un risque que les professeurs documentalistes connaissent bien.

 

 

1. Des enjeux culturels.

Par conséquent, le socle commun doit se distinguer au niveau des Tice mais pas seulement de la culture adolescente et ne pas reproduire les effets de superficialité et de survol que l’on rencontre dans le B2I. Chez les adolescents l’usage ludique des technologies prime sur l’usage pédagogique sans compter que l’innovation est peu fréquente si on songe au mimétisme “débilisant” des skyblogs.

 

Il ne s’agit pas de demeurer dans la simple validation mais bel et bien de démontrer les possibilités pédagogiques des TICE face à la montée en puissance des phénomènes du web 2.0 avec notamment le passage de l’autorité à la popularité ainsi que la montée en puissance de la culture du pitre c’est-à-dire de la culture de la vidéo drôle ou qu’il faut absolument avoir vu et qui se transmet de manière virale. C’est bien d’une réflexion pédagogique et didactique avec les TICE dont on a besoin et ce afin que le socle commun soit le garant de la transmission des plusieurs cultures et notamment trois cultures auxquels le B2I a fini par faire obstacle (Un B2I symptomatique d’un système scolaire qui connaît d’importants dysfonctionnements) :

 

La culture informatique

La culture technique.

La culture informationnelle dans une définition élargie. En ce qui concerne cette dernière, il faut dorénavant élargir ses ambitions en en faisant une culture de l’information et de la communication prenant en compte l’éducation aux médias mais aussi ce que les américains nomment la participatory culture, la culture de participation faisant référence aux outil du web 2.0.

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2. Pas d’évaluation sans formation.

Cela nécessite non pas une simple validation mais une évaluation qui soit une mise en valeur de la progression. De la même manière, cette « évaluation-mise en valeur » ne peut être séparée de la formation. Une formation nécessaire car les digital natives n’existent pas vraiment. Je le constate tous les jours, il y a une forte confusion entre l’attrait, les habitudes et la réelle maîtrise.

 

Cette formation peut prendre différents aspects et qui n’inclut pas nécessairement des cours magistraux. Le repli disciplinaire dont sont parfois accusés certains didacticiens de l’information est une mauvaise analyse Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un repli mais d’une avancée qui s’avère d’ailleurs plutôt innovatrice dans ces méthodes, puisque la didactique vise à concevoir des séquences permettant aux élèves de construire des savoirs info-documentaires dans des situations actives. Aujourd’hui, un certain nombre de notions sont stabilisées et mériteraient d’être enseignées. Nous pouvons ainsi citer quelques notions primordiales dont le travail de définition a été effectué par Pascal Duplessis et Ivana Ballarini notamment :

n Interfaces de navigation

n Site Web

n Page web

n Structuration d’un site web

n Décodage d’une page d’accueil

n Sélection de l’information

n Adresse URL

n Navigation hypertextuelle

n Navigation arborescente

n Mot-clé

n Menu contextuel

n Navigation dans un document

n Recherche d’information

Mais aussi des notions clefs comme celles d’auteur, de document et de source.

Les situations didactiques à aménager, loin d’être déconnectées ou trop abstraites correspondent en effet à des situations problèmes, à une pédagogie du défi. Le projet historiae est d’ailleurs un exemple de ces nouvelles stratégies didactiques qui peuvent être mises en place.

Des notions et des savoirs me semblent désormais primordiaux et ne peuvent continuer à être évoqués à la marge. Ces notions me semblent probablement plus utiles que certaines parties du programme émanant de disciplines classiques. Le socle commun ne peut se mettre en place selon moi sans un new deal disciplinaire. Former c’est aussi re-former voire ré-former et notamment sortir de la fracture littéraire/sciences dures.

 

 

3. Veiller sur les traces

Les outils du web 2.0 tardent à être pleinement utilisés dans l’Education Nationale. D’autre part, il me semble qu’encore une fois, c’est une logique d’adaptation qui prédomine et nullement une volonté proactive de mettre en place des stratégies pédagogiques. Pourtant, il y a urgence à s’emparer des possibilités qui s’offrent à nous mais néanmoins derrière l’apparente simplicité il faut être capable de songer à (ou penser la) la complexité. Il s’agit pour cela de veiller, de prendre soin de l’élève et de mesurer sa progression. Mais cela ne peut se faire qu’au travers de la construction de scenarii pédagogiques, de parcours permettant l’acquisition de savoirs et de compétences et pas seulement d’ailleurs en infodoc.

 

Les portfolios, les blogs, les plateformes d’e-learning et autres wikis permettent une meilleure gestion de la trace et donc de la progression de l’élève. Cela permet une pédagogie davantage différentiée et individualisée et plus motivante. Evidemment cela ne peut être sans incidence sur le fonctionnement actuel toujours basé sur la logique de la captivité. Il s’agit donc de permettre à l’élève de garder en ligne ses travaux, ses cours mais aussi les exercices avec un suivi plus fin et plus précis de la part de l’enseignant. (projet lilit et circé)

(image issue du projet lilit et circé sur lequel je reviendrais bientôt)

 

 

Conclusion :

Il semble malgré tout que certains discours politiques et commerciaux pèsent sur l’Ecole et les termes de « société de l’information », de « digital natives », de « culture numérique », voire le dernier rapport de la commission « syntec », tout cela contribue à un mélange qui pousse encore une fois à ne voir que le problème matériel, certes existant mais nullement primordial désormais. Pourtant tous les spécialistes mondiaux du domaine constatent bien que le problème est ailleurs et qu’il s’agit plutôt d’un problème de littératie, autrement dit de culture. Et cela ne peut se faire avec une simple connexion matérielle. Pour revenir au boustrophédon, ne mettons pas la charrue avant les bœufs.

 

 

Education Nationale : construire l’Atlantis

Les temps changent et c’est indéniable. Les professionnels de l’information et les enseignants ne peuvent que s’interroger face au phénomène de plagiat et de piraterie ainsi que face à toutes ces négligences que nous observons dans les usages des jeunes générations abusivement qualifiées de digital natives.
Faut-il pour autant rejoindre le clan des moralisateurs et des défenseurs de l’ancien régime ? Faut-il mettre des barrières, des réglementations lourdes face à un web 2.0 déstructurant et faisant triompher la popularité sur l’autorité ainsi que la culture du pitre ?
Je n’en suis pas convaincu. Chaque aspect inquiétant de l’évolution de l’Internet qui constitue autant d’évolutions de nos sociétés actuelles se transformant en une Arcadie où l’intelligence collective n’est en fait que la constitution d’un réseau d’espionnage de tous contre tous nous obligent à repenser à la fois le web mais aussi l’ensemble de nos fonctionnements. Par conséquent l’éducation ne peut être épargnée.
Pour autant doit-on suivre le chemin des héritiers et des tenants du c’était mieux avant comme on a trop souvent le sentiment à la lecture du culte de l’amateur d’Andrew Keene ? Doit-on stupidement allonger les droits d’auteur alors que la tentation du piratage est permanente ? Doit-on se laisser dicter des législations par des groupes de pression et autres lobbys industriels incapables de comprendre le monde actuel à l’instar de nombreux parlementaires qui n’y comprennent plus rien et qui ne désirent que revenir avant 1989 ?
Peut-on continuer à penser les TICE comme de simples besoins matériels ? Doit-on demeurer dans une logique éditoriale coûteuse pour l’éducation nationale en dépensant des sommes énormes pour des prestataires de service hors fonction publique alors que cette dernière pourrait fort bien assurer la mise à disposition de ressources numériques pédagogiques dans des actions de mutualisation et de revalorisation des salaires enseignants ? Au lieu de cela, on préfère dépenser sans cesse pour préserver les lobbys éditoriaux et les officines de cours particuliers avec des déductions fiscales. La logique économique domine chez les gestionnaires de l’Education Nationale mettant en sourdine de réelles avancées pédagogiques. Nous remarquons qu’à l’inverse le monde enseignant semble complètement ignorant des fonctionnements de l’Economie d’une Nation. Le tout converge vers l’incessant dialogue de sourds. Tout n’est certes pas à rejeter dans le rapport sur la mission e-education mais on a le sentiment que les enseignants ne sont vus que comme des consommateurs de ressources numériques et rarement comme des producteurs.
Une solution consisterait à donner les moyen au CNDP de pouvoir mettre en place une politique documentaire nationale, permettant de gérer les contenus pédagogiques numériques, depuis sa création jusqu’à sa diffusion ce qui implique des chefs de projets et des enseignants chargés de création de contenus. Le CNDP serait donc avant tout un producteur et pas seulement un sélectionneur de bonnes ressources. Un bon moyen de revaloriser enseignants et institutions scolaires.
Par contre si nous devions nous voir imposer des politiques bassement matérielles avec des offres numériques émanant de grands groupes éditoriaux avec des coûts prohibitifs, une seule autre voie serait possible, celle de la rébellion à la fois pédagogique et intellectuelle. Car il s’agit bien de veiller sur les jeunes générations, mais aussi sur une institution qui mérite des réformes urgentes mais qui ne doit pas disparaître. Il faut nous faut donc tous ensemble construire l’Atlantis (ou Arcadia, le vaisseau du capitaine Albator ou Harlock) dans cette Arcadie où les seules autorités que l’on souhaite nous imposer ne viennent que de grands groupes. La culture de l’information pour répondre à cette rengaine de la société de l’information. Le rapport de la mission e-educ d’ailleurs mélange un peu tout d’ailleurs ce qui le rend de fait illisible et impraticable laissant sa mise en oeuvre aux partenaires privés et aux politiques. Les enseignants n’y étant vus que comme de simples usagers à l’exception de profs valorisés pour leurs technicités informatiques. La confusion entre culture numérique et culture informationnelle demeure, celle entre outils et stratégies didactiques est entérinée. Le plus important est encore manqué : le nouveau rôle de l’enseignant, son évolution nécessaire et sa revalorisation en tant que référant, guide des égarés, passeur de savoir, vecteur de confiance, incitateur à la création de savoirs, etc.
Je crois qu’il est vraiment temps de ressortir sa cape noire pour veiller sur la galaxie Education et sur la liberté.

twitter ou la veille « personnelle »: prendre soin plutôt que de surveiller

La veille change et de plus en plus ce ne sont pas seulement des mots-clés voire des sites que nous surveillons mais bel et bien des personnes. Twitter en est l’exemple le plus flagrant de ce déplacement. Ce qui peut sembler comme je l’ai parfois qualifié de communication klean-ex s’avère en fait bien plus riche et correspond à une vision non pas à la big brother mais plutôt à la little sister où chacun surveille tout le monde tout en étant lui même surveillé par les autres. Mais il faut sortir de la logique de la surveillance et aller dans une autre direction qui correspond davantage à l’inscription de l’individu dans un collectif qui lui permet à la fois de se valoriser personnellement (individuation) et de participer au travail collectif. Un exemple intéressant est représenté par les réseaux de signets type diigo, delicio.us ou ma.gnolia qui permettent ainsi de partager sa veille avec le plus grand nombre.
Dès lors, pour reprendre l’expression de Bernard Stiegler, il s’agit de « prendre soin », ce n’est pas de la veille type surveillance qu’il faut mettre en place, mais de la confiance et de la mise en valeur. En quelque sorte, c’est là que réside la différence entre la culture de l’information de type citoyenne ou éducative par rapport à la vision « intelligence économique » : la confiance plutôt que la défiance. Un travail peu évident car notre époque est profondément marquée par la guerre froide et la lutte contre le terrorisme. Dans ces conditions, l’autre est souvent synonyme de danger ou de méfiance. Aujourd’hui si pronétariat, il y a vraiment, il s’agit pour ce dernier de travailler à la création de valeur et de veille. Et c’est bien cette dimension qui peut permettre aux réseaux d’être véritablement sociaux.
Les personnes de mon réseau twitter ne sont pas des personnes que j’espionne mais des contacts que je mets en valeur, que je distingue et dont il « faut prendre soin » d’écouter et parfois de prendre soin tout court. Désormais ce n’est pasnotre seul valeur qui est prise en compte mais bel et bien la force de mobilisation de notre réseau.
La visualisation obtenue est réalisée via le site neuroproductions et son application 5ktwitter browser.