Je mets en ligne, le texte de mon intervention de la journée des professeurs-documentalistes de l’Académie de Lyon.
Je remercie encore une fois les organisateurs pour leur invitation. J’espère que le texte permettra d’éclaircir quelques points d’une intervention sans doute trop brève.
Tice, socle commun et professeurs-documentalistes :
Mettre en place la culture du boustrophédon pour une meilleure gestion de la progression via de nouveaux outils et de nouvelles stratégies.
Introduction :
Le boustrophédon désigne étymologiquement le trajet des bœufs lors du labour marquant les sillons dans les champs de droite à gauche puis de gauche à droite. Par extension, le boustrophédon désignait une écriture qui ne revenait pas à la ligne. Le sens actuel est proche celui d’un palindrome. (ex : le mot port se lit trop en sens inverse)
Ce qui m’intéresse dans l’idée de la culture du boustrophédon c’est l’idée de cheminement permettant une mesure du parcours accompli mais qui constitue une progression ouvrant un passage inédit. Un moyen d’échapper à l’âge de la vitesse et d’illustrer la fameuse phrase de René Char « le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » cité d’ailleurs par Hannah Arendt dans la crise de la culture. C’est aussi l’idée de la trace permettant la mesure de la faculté à progresser. C’est d’ailleurs cette dernière qui mériterait d’être évaluée et pas seulement une mesure effectuée durant un contrôle lambda qui ne s’inscrit pas dans une réelle progression.
Mon intervention porte plus particulièrement sur les Tice et la première remarque que je souhaiterais effectuer c’est que les TICE ne peuvent concerner uniquement que le domaine 4 du socle. Une nouvelle fois le socle commun court le même risque que les TICE et le B2I : une mise en place à la marge. Un autre risque menace également celui de la dissolution au sein des programmes des disciplines. Un risque que les professeurs documentalistes connaissent bien.
1. Des enjeux culturels.
Par conséquent, le socle commun doit se distinguer au niveau des Tice mais pas seulement de la culture adolescente et ne pas reproduire les effets de superficialité et de survol que l’on rencontre dans le B2I. Chez les adolescents l’usage ludique des technologies prime sur l’usage pédagogique sans compter que l’innovation est peu fréquente si on songe au mimétisme “débilisant” des skyblogs.
Il ne s’agit pas de demeurer dans la simple validation mais bel et bien de démontrer les possibilités pédagogiques des TICE face à la montée en puissance des phénomènes du web 2.0 avec notamment le passage de l’autorité à la popularité ainsi que la montée en puissance de la culture du pitre c’est-à-dire de la culture de la vidéo drôle ou qu’il faut absolument avoir vu et qui se transmet de manière virale. C’est bien d’une réflexion pédagogique et didactique avec les TICE dont on a besoin et ce afin que le socle commun soit le garant de la transmission des plusieurs cultures et notamment trois cultures auxquels le B2I a fini par faire obstacle (Un B2I symptomatique d’un système scolaire qui connaît d’importants dysfonctionnements) :
– La culture informatique
– La culture technique.
– La culture informationnelle dans une définition élargie. En ce qui concerne cette dernière, il faut dorénavant élargir ses ambitions en en faisant une culture de l’information et de la communication prenant en compte l’éducation aux médias mais aussi ce que les américains nomment la participatory culture, la culture de participation faisant référence aux outil du web 2.0.
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2. Pas d’évaluation sans formation.
Cela nécessite non pas une simple validation mais une évaluation qui soit une mise en valeur de la progression. De la même manière, cette « évaluation-mise en valeur » ne peut être séparée de la formation. Une formation nécessaire car les digital natives n’existent pas vraiment. Je le constate tous les jours, il y a une forte confusion entre l’attrait, les habitudes et la réelle maîtrise.
Cette formation peut prendre différents aspects et qui n’inclut pas nécessairement des cours magistraux. Le repli disciplinaire dont sont parfois accusés certains didacticiens de l’information est une mauvaise analyse Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un repli mais d’une avancée qui s’avère d’ailleurs plutôt innovatrice dans ces méthodes, puisque la didactique vise à concevoir des séquences permettant aux élèves de construire des savoirs info-documentaires dans des situations actives. Aujourd’hui, un certain nombre de notions sont stabilisées et mériteraient d’être enseignées. Nous pouvons ainsi citer quelques notions primordiales dont le travail de définition a été effectué par Pascal Duplessis et Ivana Ballarini notamment :
n Interfaces de navigation
n Site Web
n Page web
n Structuration d’un site web
n Décodage d’une page d’accueil
n Sélection de l’information
n Adresse URL
n Navigation hypertextuelle
n Navigation arborescente
n Mot-clé
n Menu contextuel
n Navigation dans un document
n Recherche d’information
Mais aussi des notions clefs comme celles d’auteur, de document et de source.
Les situations didactiques à aménager, loin d’être déconnectées ou trop abstraites correspondent en effet à des situations problèmes, à une pédagogie du défi. Le projet historiae est d’ailleurs un exemple de ces nouvelles stratégies didactiques qui peuvent être mises en place.
Des notions et des savoirs me semblent désormais primordiaux et ne peuvent continuer à être évoqués à la marge. Ces notions me semblent probablement plus utiles que certaines parties du programme émanant de disciplines classiques. Le socle commun ne peut se mettre en place selon moi sans un new deal disciplinaire. Former c’est aussi re-former voire ré-former et notamment sortir de la fracture littéraire/sciences dures.
3. Veiller sur les traces
Les outils du web 2.0 tardent à être pleinement utilisés dans l’Education Nationale. D’autre part, il me semble qu’encore une fois, c’est une logique d’adaptation qui prédomine et nullement une volonté proactive de mettre en place des stratégies pédagogiques. Pourtant, il y a urgence à s’emparer des possibilités qui s’offrent à nous mais néanmoins derrière l’apparente simplicité il faut être capable de songer à (ou penser la) la complexité. Il s’agit pour cela de veiller, de prendre soin de l’élève et de mesurer sa progression. Mais cela ne peut se faire qu’au travers de la construction de scenarii pédagogiques, de parcours permettant l’acquisition de savoirs et de compétences et pas seulement d’ailleurs en infodoc.
Les portfolios, les blogs, les plateformes d’e-learning et autres wikis permettent une meilleure gestion de la trace et donc de la progression de l’élève. Cela permet une pédagogie davantage différentiée et individualisée et plus motivante. Evidemment cela ne peut être sans incidence sur le fonctionnement actuel toujours basé sur la logique de la captivité. Il s’agit donc de permettre à l’élève de garder en ligne ses travaux, ses cours mais aussi les exercices avec un suivi plus fin et plus précis de la part de l’enseignant. (projet lilit et circé)
(image issue du projet lilit et circé sur lequel je reviendrais bientôt)
Conclusion :
Il semble malgré tout que certains discours politiques et commerciaux pèsent sur l’Ecole et les termes de « société de l’information », de « digital natives », de « culture numérique », voire le dernier rapport de la commission « syntec », tout cela contribue à un mélange qui pousse encore une fois à ne voir que le problème matériel, certes existant mais nullement primordial désormais. Pourtant tous les spécialistes mondiaux du domaine constatent bien que le problème est ailleurs et qu’il s’agit plutôt d’un problème de littératie, autrement dit de culture. Et cela ne peut se faire avec une simple connexion matérielle. Pour revenir au boustrophédon, ne mettons pas la charrue avant les bœufs.