Thatcamp Saint-Malo

L’information circule depuis quelques semaines mais il est temps en cette période estivale de continuer à diffuser l’information.

En effet, le prochain Thatcamp en France aura lieu en Bretagne ! Au menu du sérieux (de nombreux ateliers), du très sérieux (des séances de formation) et du fun (des olympiades que j’organise) autour des humanités numériques ou digitales, les fameuses digital humanities. On ne vous promet pas que vous allez manger des crêpes et galettes tous les jours, mais on ne vous empêchera pas. Vous serez dans le cité corsaire, dès lors un esprit un peu flibustier y règnera fortement.

Le site dédié est là.

J’apprécie beaucoup le logo qui me fait penser aussi à une chrysalide, si vous y rentrer, vous serez transformé, comme moi je l’ai été. Une chrysalide, ça me ramène aussi au dernier ouvrage de Murakami. J’y reviendrai à nouveau.

Mais comme vous êtes fatigué de cliquer à cause des pollutions type scoop.it, voici l’essentiel de l’information et surtout n’oubliez pas de vous inscrire :

Le prochain THATCamp francophone se déroulera les 18 et 19 octobre à Saint-Malo au Château de la Briantais. La capacité d’accueil est de 80 personnes. Des Olympiades DH, des ateliers formation (Gephi, Processing, Arduino, Rapsberry), et un workshop (« objets intelligents et déconnexion ») seront également organisés les 17 et 20 octobre.

Qu’est-ce qu’un THATCamp ?

« Un ThatCamp – The Humanities and Technology Camp – est une rencontre qui permet aux acteurs de la recherche en sciences humaines et sociales utilisant des technologies numériques de partager informations, idées, solutions et savoir-faire autour de leurs pratiques. Les ThatCamps sont organisés par les participants eux-mêmes. Le programme n’est pas établi à l’avance mais construit directement sur place. Un ThatCamp n’est pas constitué de conférences ex- cathedra mais prend la forme d’ateliers, où tous les participants sont invités à partager leurs connaissances. »Pierre Mounier, 12 juin 2012.

 Thématiques THATCamp Saint-Malo 2013

Toutefois THATCamp Saint-Malo 2013 souhaite aborder les relations entre Humanités numériques et Bibliothèques : compétences en jeu, évolutions des profils et dialogue des bibliothèques avec la recherche, pratiques informationnelles des chercheurs…

THATCamp Saint-Malo 2013 a également pour ambition de rassembler pour la première fois la communauté des arts et du design concernée par les humanités numériques (conception de programme, design d’interface, design d’information, cartographie).

Enfin THATCamp Saint-Malo 2013 sera l’occasion pour la communauté francophone des humanités numériques et/ou digitales de songer à se constituer en association.

Inscription

Une liste d’inscription est ouverte jusqu’au 15 septembre à l’adresse suivante : http://barcamp.org/w/page/67372397/Inscriptions%20ThatCamp%20Saint-Malo#view=page

Proposition et suggestion d’atelier

Vous pouvez proposer ou faire des suggestions d’atelier à l’adresse suivante : http://barcamp.org/w/page/67372429/Propositions%20d’atelier

 

Equipe organisatrice

– Nicolas Thély, professeur en esthétique et humanités numériques à l’université Rennes 2.

– Alexandre Serres, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication et co-responsable de l’Urfist de Rennes.

– Erwan Mahé, responsable du laboratoire Design et Pratiques Numériques de l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne.

– Guillaume Pinard, artiste et professeur à l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne.

– Olivier Le Deuff, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à Bordeaux 3.

 
 

 

Métamorphose numérique

Rien qu’un temps estival pour diffuser quelques vidéos. J’ai eu la chance de faire l’expérience d’un Tedx à Genève grâce à l’invitation de Théo Bondolfi qui a coordonné notamment l’ouvrage citoyens du net. Une aventure différente et sympathique qui m’a permis d’aborder une nouvelle forme de communication. Ce n’était pas gagné, mais à force de répétitions et d’évolutions, cela donne un espèce d’ovni. C’est un peu la philosophie Ted, peu évidente pour moi qui préfère causer pendant trois heures.
Ravi aussi d’avoir pu rencontrer plusieurs personnes et notamment tous les intervenants de l’évènement avec en guest star Jacques Vallée, comme quoi j’avais raison d’orienter ma communication dans une rencontre du troisième type. Le tedx se déroulait dans un bâtiment désaffecté de la HEG qui pour l’occasion avait retrouvé une nouvelle vie. Un pari gagné malgré quelques coups de vent imprévus. Mais pas de doute, le vent du changement est en marche. Toutes les vidéos de l’évènement sont disponibles.

Autre vidéo, cette fois-ci les pieds dans l’eau à Sète avec Christophe Batier. Un entretien qui fait suite à mon intervention du matin à l’école thématique sur l’identité numérique. Christophe nous a gratifié de plusieurs interviews sympathiques avec d’étranges créatures parfois en arrière plan. Si Henriette de Sète apparaît derrière moi sur la vidéo, Louise Merzeau a eu la chance d’avoir Brice de Nice pour son excellente interview.

Enfin, si vous êtes un peu acteur de ces métamorphoses ou engagé autour d’activités de recherche en ce qui concerne les digital humanities, vous êtes cordialement invité à répondre à cette enquête sur les littératies et les humanités numériques.

Le questionnaire dans sa version française :

http://www.megatopie.info/limesurvey/index.php/998655/lang-fr

Et dans sa version anglaise :

http://www.megatopie.info/limesurvey/index.php/998655/lang-en

La formation à l’attention de soi.

Je mets en ligne comme promis le support que j’ai utilisé pour l’école thématique sur l’identité numérique à Sète. Excellent cadre, ambiance et organisation, une expérience à renouveler.
Voici le support en attendant l’article dans un prochain ouvrage consacré à l’identité numérique.

Pour un Bac H

Evoquer un bac H n’est pas totalement nouveau. L’expression a été plusieurs fois utilisée par le passé pour suggérer une nouvelle orientation pour le bac L (Littéraire). L’idée était bonne et je pense qu’il faut la poursuivre mais en la réorientant dans une perspective nouvelle : celles des humanités numériques.

Rien de très original me direz-vous, pourtant il me semble que le moment est opportun si on souhaite susciter des vocations pour les domaines des humanités. Des enseignants tentent depuis plusieurs années de faire évoluer leurs pratiques et font entrer le numérique à la fois dans leurs pratiques d’enseignement et dans celles de leurs élèves. Il serait intéressant d’officialiser le mouvement.

Il ne s’agit nullement de céder à une mode mais de davantage « délivrer » des œuvres au sens où l’entend Claire Clivaz (voir aussi cet évènement) en évitant de sacraliser l’œuvre textuel ou papier de façon excessive, ce qui nuit bien souvent à la compréhension originale de l’œuvre. Il ne s’agit pas d’ajouter du fun et de préférer des lectures raccourcies ou ciblées, c’est en fait l’inverse : ajouter différentes strates de lecture d’une œuvre en permettant d’ajouter à la lecture traditionnelle de l’œuvre qui se déroule in extenso, d’autres modes de lecture notamment quand les textes sont numérisés. Il est ainsi plus facile de jeter un regard sur l’œuvre avec de nouveaux outils pour mesurer les occurrences, les champs sémantiques avec l’outil informatique. Il est aussi possible de reconstruire et d’augmenter des passages d’œuvres classiques et donc libres de droits avec des projets d’enrichissement de métadonnées, d’annotations, de commentaires mais aussi de commentaires critiques collectifs ou individuels.

On pourrait imaginer dans ce BAC H une option qui serait davantage informatique que mathématique avec l’apprentissage des algorithmes notamment de façon à ce que certains profils soient pleinement mixtes entre sciences dures et sciences humaines. Une option type informatique appliquée aux sciences humaines et sociales serait sympathique.

Outre la multiplicité des lectures possibles, c’est également une revalorisation des écritures associées. Quand je dis écriture, je songe également à toutes productions multimédia ou graphiques qui pourraient illustrer l’œuvre classique.

Mais on peut encore aller plus loin. Pourquoi ne pas en profiter aussi pour apprendre à écrire… Là aussi, le champ est vaste, tant les formes de l’écriture sont variées mais il me semble que plutôt que de demander à des élèves d’apprendre par cœur des commentaires d’une œuvre commentée en classe, il serait opportun de les placer davantage dans un champ de publication et de construction. Cette logique de l’écriture ne pourrait faire l’impasse des outils numériques et de leurs avantages et contraintes. J’aime beaucoup lorsque François Bon rappelle qu’il est utile qu’un étudiant se montre capable de prendre le contrôle de ses outils et qu’il serait intéressant que ce dernier commence par régler son traitement de texte avant de se ruer sur la page blanche en utilisant les cadres déjà prérenregistrés. Ces cadres ou architextes sont fortement présents dans le numérique. Il faudrait les enseigner pour mieux s’en défaire si besoin.

On touche ici l’intérêt évident pour former aux questions de la translittératie qui mêle EAM (éducation aux médias), éducation à l’information-documentation et éducations aux TIC. Une culture numérique qui rejoindrait pleinement la culture lettrée. Voilà l’enjeu, revenir aux Lumières, à l’essence même du projet Encyclopédique. D’où l’intérêt d’une culture technique au sens de Simondon, mais aussi dans un rapprochement lecteurs-makers. Voilà ce que pourrait être ce BAC H. Réconcilier ratio et raison, former des individus non hémiplégiques, ce que disait Michel Serres dans je ne sais plus quel texte, le tiers instruit il me semble. Il était d’ailleurs à l’époque beaucoup plus lucide qu’avec son mythe technophile de la petite poucette.

Il y a beaucoup à faire et à imaginer mais mettre un peu d’enthousiasme dans la machine scolaire serait déjà une bonne impulsion par ces temps où l’inspiration semble manquer.

Makers ou la nécessité d’une culture technique

La lecture de Makers de Chris Anderson se révèle en fait intéressante à plusieurs titres. Si le propos peut paraitre trop optimiste parfois, il a le mérite de reposer les bases d’un nouveau modèle industriel davantage participatif, plus motivant et qui laisse place à de plus grandes initiatives personnelles. J’avais longtemps hésité à me plonger dans la lecture suite à l’excellente analyse critique qu’en avait faite strabic, lecture que je recommande. Beaucoup d’éléments de l’ouvrage méritent en effet une lecture. Vous trouverez plus de renseignements dans l’article d’Hubert Guillaud qui résume parfaitement les forces et faiblesses de la théorie de Chris Anderson. Un extrait de l’ouvrage est aussi disponible sur le site d’Internet Actu.

« Makers » est assurément un plaidoyer pour le modèle open source, libéré des contraintes des excès de propriété privée. Intéressante aussi cette impression que la liberté d’entreprendre et que le libre accès à l’information et à la connaissance sont étroitement liés.

Ce qui est évident, c’est que Chris Anderson est certes un excellent conteur, mais c’est aussi un passionné qui sait transmettre de l’énergie. Il donne envie de devenir « maker ». Il y réussit aussi parce qu’il partage sa propre expérience, depuis l’histoire de son grand-père dépositaire d’un brevet pour l’arrosage automatique de jardins jusqu’à ses tentatives de bricoler des légos ou des petits avions avec ses enfants. Chris Anderson possède cet esprit d’entreprendre, cette envie de « faire » et c’est sans doute la philosophie de l’ouvrage que de donner envie de faire, de créer, d’expérimenter et d’inventer dans des périodes où on nous parle que de crise et de dettes. Peut-être faut-il y avoir une forme de trace de l’esprit américain, sans doute faut-il y percevoir un esprit du web qui tend à se distiller dans d’autres sphères.

A la lecture, ce sont les potentialités de formation qui m’ont également intéressé. En effet, cette culture des makers est pleinement une culture technique, telle que décrite par Simondon. Une capacité à comprendre, à faire et à refaire mais aussi une culture informationnelle qui témoigne d’une capacité à trouver l’information ou la personne compétente pour résoudre un problème. C’est aussi une compétence documentaire, tant il s’agit de documenter les actions réalisées, de réaliser des plans, etc. C’est évidemment une série de compétences informatiques, tant il s’agit de coder et d’utiliser des logiciels de CAO. On retrouve beaucoup de similitudes avec des pans de la culture des hackers et des adeptes de l’open source.

Le livre constitue aussi un important document pour la défense des enseignements de technologie :

« Les enfants d’aujourd’hui apprennent à utiliser Powerpoint et excel en cours d’informatique, et ils apprennent encore à dessiner et à sculpter en cours d’initiation artistique. Mais ne serait-il pas mieux qu’une troisième option leur soit offerte : le cours de conception ? Imaginez un cours dans lequel les enfants apprendraient à utiliser des outils de CAO 3d comme Google Sketchup ou Autodesk123D. Certains d’entre eux dessineraient des immeubles et des structures fantastiques, comme ils le font aujourd’hui sur leur cahier. D’autres créeraient des jeux vidéos perfectionnés à plusieurs niveaux, avec leurs paysages et leurs véhicules. Et d’autres encore, des machines. »p.68

Pour cela Anderson recommande d’investir dans des imprimantes 3D et des découpeuses lasers dans les établissements. Bref : créer des Fablabs au sein des établissements. Il ne s’attarde finalement que peu sur les aspects éducatifs.

Je pense qu’on peut envisager cette philosophie du « Faire », bien au-delà de la seule conception « machine » tant il s’agit de faire aussi dans les disciplines des sciences sociales et humaines. Aurélien Berra évoquait la nécessité de « faire des humanités numériques ». Je crois que ça ne doit pas s’arrêter aux seuls territoires des chercheurs mais cela doit investir des terrains plus larges dont ceux de l’Education toute entière.

Car le « Faire » n’est pas une simple action commandée, il implique la capacité à raisonner et à comprendre. La séparation entre la réflexion et l’action, entre l’intellectuel et le technicien n’existe pas.

J’y reviendrai prochainement car on besoin urgemment de revoir toute la formation littéraire et notamment le BAC L qui doit devenir un BAC H.

Appel à articles : les cahiers du numérique. Quels agencements pour les Humanités Numériques ?

Je transmets un appel qui montre la montée en puissance de l’intérêt pour les humanités numériques. A vos propositions.

Le numéro est sous
la direction de Eddie SOULIER

 
Date limite de soumission : 30/06/2013

THÉMATIQUE : Sciences et technologies de l’information et de la communication

OBJECTIF

La quête d’un entre-deux entre l’acteur et le système a été la marque de fabrique des Sciences Humaines et Sociales (SHS) au tournant des années 80, stylisée comme une dualité par Antony Giddens. Les catégories de dispositifs (Foucault), d’agencements collectifs d’énonciation (Deleuze et Guattari), de pratique (Schatzki), d’acteur-réseau (Callon et Latour) ou d’institutions du sens (Descombes) ont été des candidates, parmi d’autres, au dépassement de cette dualité. Elles s’inscrivent en tension vis-à-vis de l’ordre de l’interaction décrit par Ervin Goffman, tension qu’on peut étendre à « l’ordre de la situation » (en référence à la phénoménologie sociale, l’ethnométhodologie ou la cognition située) comme à celui de l’activité, mis en avant par les théoriciens contemporains de l’activité (Engeström, 1987 ou Clot, 1999). Les premières catégories présentent un air de famille holistique que ne possèdent pas les secondes (qui ne formeraient qu’un « holisme affaibli » selon Berthelot, 2001), celui d’un holisme renouvelé cependant, où les propriétés des phénomènes émergent de l’interaction entre les parties et non d’un tout organique, comme le rappelle vigoureusement Manuel DeLanda (Agencements versus totalités, 2009).

Les caractéristiques des nouvelles approches holistiques – que nous regroupons pour ce numéro spécial des Cahiers du Numérique sous l’étendard de la théorie des agencements – sont maintenant connues : abandon de la distinction micro/macro, place prépondérante des objets, accent mis sur la relation entre entités hétérogènes (relationnisme) et en particuliers sur la force des liens faibles, encastrement des entités, genèse matérialiste des rationalités et idéalités, importance de la performativité qui oriente le regard sur les dynamiques, la topologie et les connexions plutôt que sur les substances. Cette réflexion à nouveaux frais sur la nature de la réalité sociale est consécutivement l’occasion d’un regain d’intérêt pour l’ontologie sociale (Searle, 1995 ou, en France, Livet et Ogien, 2001 et Livet et Nef, 2009), et donc sur ces « entités », que semblent respecifier les DH par accumulation de données et nouvelles techniques d’exploration.

Quel renfort semble venir apporter le formidable développement des technologies numériques actuelles à la question des agencements ? La convergence entre l’accroissement des usages sociaux des technologies numériques et l’intégration de la culture numérique dans les pratiques de recherche d’aujourd’hui ne suffit pas pour autant à faire discipline ni même interdiscipline. Aussi ce numéro spécial cherche-t-il à croiser spécifiquement ces pensées de l’agencement – qui ont placé les relations sociotechniques à la base des SHS et de ses objets – au thème des humanités numériques, autour de trois grands questionnements, avec pour objectif explicite de mieux élucider l’apport réflexif et critique de cette dernière démarche à la question des agencements sociaux, leurs modes d’existence et leur compréhension :

 
Comment comprendre l’interrelation entre le Web grand public comme étant lui-même un agencement ou un dispositif de support et d’inscription de nos conduites sous forme de données et les phénomènes, objets et catégories qui sont au centre des intérêts actuels de connaissance des SHS, des arts et des Lettres ? (plan ontologique).

La tendance à une certaine réduction des comportements aux usages et à leurs traces numériques sous forme de « données », notamment dans le contexte de l’accumulation des données massives et ouvertes, n’est-elle pas elle-même un effet d’agencements sociotechniques porteurs de certaines relations de pouvoir dont il s’agirait de mener à bien une reconceptualisation plus critique ? Les humanités numériques sont-elles suffisamment bien armées pour cela ? De quelles régulations épistémiques se réclament-elles ? La recherche contemporaine s’oriente-t-elle vers un irénisme ultra-empirique ou est-ce plutôt le projet d’une (hyper)démocratisation de la science qui se joue ? (plan épistémique et politique).

Enfin comment entendre, dans les termes des sciences et des techniques en tant qu’agencements ou méta-réseaux, l’évolution actuelle des pratiques scientifiques et des méthodes de conduite de la recherche et de diffusion de ses résultats induit par les outils numériques et le traitement des données dans le champ des SHS ? (plan axiologique et [de la double] herméneutique).

 
Nous sollicitons des contributions couvrant toutes les problématiques autour des agencements sociotechniques et des humanités numériques (liste suivante non exhaustive) :

Genèse et histoire des humanités numériques

Intégration de la culture numérique dans les pratiques de recherche

Usages des outils numériques pour la collecte, la patrimonialisation, l’exploitation et la visualisation des données

Contribution des humanités numériques à l’innovation intellectuelle et la créativité

Contours de la science participative

Fondements théoriques, appareillage critique et méthodologies des humanités numériques

Rôle des usages numériques dans la fabrique des événements sociaux (émeutes, révolutions, rumeurs, etc.)

Apports concrets des outils développés par et pour les digital humanities

Vérités, justifications et controverses autour de la réalité

Perspectives de la socio-informatique sur la simulation sociale

Influence de la communication numérique des résultats scientifiques sur le débat public

 
COMITÉ DE RÉDACTION DU NUMÉRO

• Valérie Carayol, Université de Bordeaux 3

• Hugues Choplin, Université de Technologie de Compiègne

• Alexandre Gefen, CNRS-Université Paris 4 Sorbonne

• Sylvie Grosjean, Université d’Ottawa

• Olivier Le Deuff, Université de Bordeaux 3

• Christophe Lejeune, Université de Liège

• Myriam Lewkowicz, Université de Technologie de Troyes

• Alexandre Monnin, INRIA – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

• Gloria Origgi, CNRS-Institut Jean Nicod

• Sophie Pène, Université Paris Descartes

 
CALENDRIER

Date limite remise contributions 30/06/2013

Réponse aux auteurs : 15/09/2013

Remise version finale : 30/11/2013

Remise à l’éditeur : 31/12/2013

Parution du numéro : janvier 2014

RECOMMANDATIONS AUX AUTEURS

Les soumissions sont à envoyer à Eddie Soulier (coordonnées ci-dessous) et doivent respecter la feuille de style word de la revue disponible sur le serveur http://lcn.revuesonline.com (ou sur demande à : lcn@lavoisier.fr)

Les articles sont compris entre 20 et 25 pages. Ils sont acceptés en français (ou en anglais pour les auteurs non francophones).

Les soumissions peuvent être envoyées sous forme de fichiers PDF

Les versions finales sont acceptées au format Word uniquement

 
CONTACT

Eddie Soulier. Université de technologie de Troyes

12 Rue Marie Curie CS 42060 – 10004 TROYES CEDEX

Tel 06 84 23 55 84

eddie.soulier@utt.fr

Le souci de soi selon Michel Foucault

En pleine écriture d’un projet autour de l’existence numérique, je suis parfois tenté d’arrêter d’écrire pour ne conseiller que la lecture de Foucault et notamment de l‘herméneutique du sujet qui montre parfaitement l’importance du souci de soi.
Le souci de soi est probablement antérieur et plus important que le fameux connais-toi, toi-même dont on parfois fait le fondement socratique. Or Foucault démontre que le connais- toi, toi-même est en fait subordonné au souci de soi. Dans son exigence de recherche de la vérité, Socrate fait d’ailleurs cette critique aux citoyens athéniens :
« Quoi! cher ami, tu es Athénien, citoyen d’une ville qui est plus grande, plus renommée qu’aucune autre pour sa science et sa puissance, et tu ne rougis pas de donner tes soins (epimeleisthai) à ta fortune pour l’accroître le plus possible, ainsi qu’à ta réputation et à tes honneurs; mais quant à ta raison, quant à la vérité et quant à ton âme, qu’il s’agirait d’améliorer sans cesse, tu ne t’en soucies pas, tu n’y songes même pas. »[1]
Cet éloignement du souci de soi renvoie nettement à un éloignement de la vérité, vérité sur soi autant que vérité en général. Foucault distingue trois dimensions essentielles dans le souci de soi (Citation issue de l’herméneutique du sujet) :
« – premièrement, le thème d’une attitude générale, d’une certaine manière d’envisager les choses, de se tenir dans le monde, de mener des actions, d’avoir des relations avec autrui. L’epimeleia heautou, c’est une attitude: à l’égard de soi, à l’égard des autres, à l’égard du monde;
– deuxièmement, l’epimeleia heautou est aussi une certaine forme d’attention, de regard. Se soucier de soi-même implique que l’on convertisse son regard, et qu’on le reporte de l’extérieur, sur… j’allais dire « l’intérieur ». Laissons ce mot (dont Vous pensez bien qu’il pose tout un tas de problèmes) de côté, et disons simplement qu’il faut qu’on convertisse son regard, de l’extérieur, des autres, du monde, etc., Vers : « soi-même ». Le souci de soi implique une certaine manière de veiller à ce qu’on pense et à ce qui se passe dans la pensée. Parenté du mot epimeleia avec meletê, qui Veut dire à la fois exercice et méditation. (…).
– troisièmement, la notion d’epimeleia ne désigne pas simplement cette attitude générale ou cette forme d’attention retournée vers soi. L’epimeleia désigne aussi toujours un certain nombre d’actions, actions que l’on exerce de soi sur soi, actions par lesquelles on se prend en charge, par lesquelles on se modifie, par lesquelles on se purifie et par lesquelles on se transforme et on se transfigure. Et, de là, toute une série de pratiques qui sont, pour la plupart, autant d’exercices qui auront (dans l’histoire de la culture, de la philosophie, de la morale, de la spiritualité occidentales) une très longue destinée. Par exemple, ce sont les techniques de méditation  ; ce sont les techniques de mémorisation du passe; ce sont les techniques d’examen de conscience; ce sont les techniques de Vérification des représentations à mesure qu’elles se présentent à l’esprit , etc »

Le souci de soi chez Foucault
Le souci de soi chez Foucault

J’y reviendrai plus longuement sur le blog et dans un ouvrage à paraître dans un futur pas trop éloigné, espérons-le.  Sur cette question, la lecture de l’excellent ouvrage de Bernard Stiegler sur la pharmacologie est à conseiller également.


[1] Platon. Apologie de Socrate. Disponible sur : < http://philoctetes.free.fr/apologiedesocrate.htm>

Les trois dimensions des folksonomies

Après un premier extrait sur le like, voici un nouvel  extrait du Tag au Like qui concerne un point qui m’intéresse particulièrement, à savoir le fait qu’il faut considérer aussi les folkskonomies au delà de la seule question de l’indexation.
J’ai déjà abordé la question des trois dimensions à Toulouse il y a quelques temps. Il est temps d’en donner une lecture plus complète ici.
Bien souvent l’action de taguer s’inscrit dans des perspectives mnémotechniques qui vont au-delà d’une indexation et ressemblent davantage à un marquage cherchant à décrire un parcours. Ces parcours peuvent être très éphémères au point que le tag devient une forme de « post-it ‘(1)numérique » , attribué n’importe comment. Mais les tags peuvent être surtout des marques de parcours de lecture, témoignages de « marches » de lecture et de démarches de recherche : une trace de nos actions passées comme pour mieux affirmer « Je suis passé par ici, voilà ce que j’ai perçu et je pense que cela pourra m’être utile pour plus tard ». L’inscription des folksonomies ne doit donc pas être restreinte au seul champ de l’indexation, mais également comprise dans celui des supports de mémoire et dans les territoires de l’annotation. Les trois dimensions principales des folksonomies qu’il est possible de distinguer sont les suivantes :
La dimension d’indexation. Il s’agit de la dimension qui est la plus souvent mise en avant. C’est souvent par ce prisme qu’elles ont été étudiées. L’indexation concerne aussi bien les ressources que les individus.
La dimension mnémotechnique place les folksonomies dans les mécanismes de la mémoire et parmi les outils qui permettent de conserver de façon externe des données qui pourraient être consultées ultérieurement en cas de besoin. Une dimension nettement mise en avant chez les usagers des signets sociaux.
La dimension d’annotation est corrélée aux deux précédentes. Le tag peut être considéré autant comme une annotation qu’une indexation. La définition retenue dans ce cadre est celle développée par Manuel Zacklad (2°): « Toute forme d’ajout visant à enrichir une inscription ou un enregistrement pour attirer l’attention du récepteur sur un passage ou pour compléter le contenu sémiotique par la mise en relation avec d’autres contenus sémiotiques préexistants ou par une contribution originale. Cette extension donnée au sens du terme d’annotation est pour partie la conséquence des usages terminologiques associés à la gestion collective des documents sur le web où le terme d’annotation peut désigner aussi bien le fait de surligner un passage, le rajout d’une balise sémantique permettant le classement du document (taguer), ou la rédaction d’un commentaire associé à un texte en ligne. ». Sur ces questions, il est indispensable de consulter le site et les travaux de Marc Jajah.

Les trois dimensions des folksonomies.
Les trois dimensions des folksonomies.

 
Les folksonomies permettent en effet une réconciliation entre l’indexation et l’annotation. L’annotation que l’on pratique dans nos livres papier ne présente aucun index et aucun classement. Le numérique permet d’y répondre désormais. L’annotation s’exerçait principalement dans les marges, pouvait se manifester par le fait de souligner voire de surligner. Cela constituait également des marques d’appropriation du texte (2°).
Les folksonomies facilitent ces logiques de parcours. Les signets sociaux, qui permettent de taguer et d’annoter des ressources jugées intéressantes, envisagent pleinement cette perspective. Cette prolongation de la vision des folksonomies dans un espace – qui est aussi celui de la connaissance et des travailleurs du savoir et de l’information–, les place nécessairement dans le territoire de la lecture et de l’écriture, c’est-à-dire celui de la littératie et même des littératies.
Évidemment, la tentation serait de rétorquer que la lecture est une activité essentiellement individuelle, voire privée et qu’à l’inverse les folksonomies s’inscrivent dans une sociabilité portée par le web 2.0, également appelé web social. Les folksonomies présentent effectivement une dimension fortement collective. Il convient de rappeler cependant que la lecture n’est pas une activité uniquement solitaire. Alberto Manguel (3°) rappelle à dessein les anciennes lectures collectives à voix haute. Les récentes expériences de lecture et d’apprentissage de la lecture effectuées par Christian Jacomino avec ses « Moulins à parole » (outils disponibles sur le site VoixHaute.net), démontrent bien que la lecture a toujours présenté une dimension sociale. Le numérique facilite cette mise en perspective sociale de partage de lectures.
Les folksonomies facilitent certes des usages individuels, mais leur force réside justement dans l’agglomération du « pouvoir des usagers » pour produire des effets collectifs. Leur puissance repose sur le système de crowd sourcing, c’est-à-dire l’alimentation des plateformes par les données issues de la foule. En clair, les usagers apportent les données et la valeur ajoutée. Plus il y a d’usagers qui ajoutent des mots-clés, plus l’indexation s’améliore potentiellement et plus il y a de ressources décrites, accessibles par le moteur de la plateforme. L’esprit collaboratif permet d’indexer les documents produits ou signalés par les autres selon ses propres besoins. Cet état d’esprit peut donner l’impression d’un ancrage dans les idéaux des prémices du web et des premiers réseaux : il s’agit de partager, en l’occurrence ici des ressources, des tags et des annotations. Le partage et sa publicité sont des valeurs par défaut des systèmes du web 2.0.
Mais cette volonté de partage est bien plus complexe, tant l’enrichissement financier bénéficie surtout aux créateurs du service, tandis que les usagers bénéficient certes de possibilités accrues d’interaction, de stockage et d’échanges, mais sont quelque peu dépossédés de leurs données. La logique folksonomique et son succès sont étroitement liés au développement des grandes initiatives du web 2.0 : YouTube pour stocker des vidéos qui peuvent être taguées, Flickr pour partager des photos, et les systèmes de partage de fichiers en ligne comme Box.net, plateforme qui offre la possibilité de taguer les documents mis en ligne et qu’il est possible de partager. Les tags, tout comme les données générées par les usagers au bénéfice de ces prestataires de services sont stockées dans des gigantesques entrepôts de données, les data centers. Ces données ne sont donc pas localisées sur le disque dur de l’usager, sauf s’il a pris soin d’effectuer des sauvegardes. De toute façon, il ne pourra jamais récupérer la totalité de ses interactions et de ses tags.
La liberté de taguer est bien réelle, mais bien souvent l’usager se trouve placé sous d’autres contraintes liées au service qu’il utilise. Selon les conditions générales d’utilisations, il n’est pas toujours totalement maître de ses annotations, tags et ressources. Les folksonomies n’échappent donc pas au côté obscur du web 2.0.
le côté obscur du web 2.0
le côté obscur du web 2.0

(1) Pour reprendre l’expression de Jérôme Bertonèche, ingénieur de recherche et spécialiste des langages documentaires, lors d’une formation en 2007.
(2) Le philosophe Bernard Stiegler décrit bien cette puissance de construction de parcours rendue possible par l’annotation. Cf. Bernard Stiegler, « Sociétés d’auteurs et sémantiques situées », Des Alexandries II. Les métamorphoses du lecteur, Christian Jacob (dir.), Bibliothèque nationale de France, 2003.
(3) Alberto Manguel, Une Histoire de la lecture, Actes Sud, coll. « Babel », 2000
 
La suite est bien sûr dans l’ouvrage. Sinon, un chapitre bonus est disponible ici de façon gratuite.  Voir aussi ici pour un support disponible et bien plus encore.

Futurologie des métiers des bibliothèques, de la documentation et des usagers de ces services

Pas mal de retards dans de nombreux travaux fort différents parfois d’ailleurs, du coup le blog en pâtit quelque peu. Je mets donc en ligne le support de mon intervention à Neuchâtel le 28 mars dernier à l’invitation de Swets.  Le titre était « Pour des lecteurs de crâne de licorne », ce qui fait bien sûr référence à Murakami mais aussi à ce texte.
Merci encore à l’organisation impécable et sympathique et particulièrement à Isabelle d’Overschie.
Les lecteurs avisés y retrouveront une trame qui m’accompagne depuis un an.