L’éducation doit sortir de la captivité

L’idéal d’une société de surveillance telle que celle que je décris sous le nom d’Arcadie pourrait être la possibilité de contrôler avant l’acte via un système de pré-voyance à la minority report c’est-à-dire sanctionnant avant la réalisation de l’hypothétique acte criminel. Ce fonctionnement pourrait être réalisé soit pas la détection précoce assistée par la génétique, soit par des processus normatifs conduisant à une autodiscipline.

Or l’institution scolaire doit faire face aux mêmes dilemmes et se trouve divisée par une ligne de divergences avec d’un côté les velléités de l’industrie de services et la vision managériale éducative basée principalement sur des critères, compétences, l’imposition de politiques diverses et plus ou moins cohérentes et de l’autre ce qu’on pourrait qualifier de vision pédagogique et éthique. Chacun d’entre nous piochant d’ailleurs de l’un ou l’autre côté.

La première se voudrait réaliste, la seconde idéaliste. Or, il est probable qu’aucune ne parvient véritablement à atteindre ses objectifs, la première confondant la réalité et les chiffres, la seconde en étant incapable de réagir et d’évoluer en partie parce qu’elle repose sur des a priori, des dogmatismes, voire des visions dépassées.

Mais notre propos est de montrer que toutes ces oppositions reposent sur un même principe : celui de la captivité et de la volonté disciplinaire qui en découle. Foucault affirmait :

« Quoi d’étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui tous ressemblent aux prisons. » (Foucault. P.264 Surveiller et punir.Ed. Gallimard)

Si les industries de programme sur lesquelles reposent la télécratie et probablement la culture du pitre a depuis longtemps changé de stratégie en parvenant à gagner d’années en années du temps de captation de l’esprit, qu’en est-il de l’éducation qui repose toujours des systèmes contraignants, inhibants et inefficaces au possible. Que l’on soit plutôt pro méthodes traditionnelles ou pro méthodes pédagogiques, le modèle demeure au final celui de « la petite écolière qui suit les consignes ». Bref, rien n’a véritablement changé entre les cours qui commencent vers 8h du matin et qui se termine vers 17-18h. Que dire si ce n’est que ce système de captivité devient dépassé, débilisant et qu’il est très loin de conduire à l’autonomie prisée dans le socle commun. Il n’est guère étonnant dès lors de voir des élèves réfractaires, d’autres peu motivés et un ensemble d’acteurs dont les enseignants qui au final ne semble guère heureux dans ce système. Les esprits de nos élèves sont souvent ailleurs : leur capacité d’attention ne pouvant tenir un tel rythme de manière optimale. D’autant que les médias sont déjà parvenus à récupérer une grande partie de cette attention en rendant captifs nos élèves de manière mentale et sensorielle. Tel est d’ailleurs le but de l’économie de l’attention dont les velléités se poursuivent sur le web, la téléphonie mobile et tout autre hypomnemata des technologies de contrôle. Or l’Ecole continue de procéder par captivité physique principalement et n’obtient qu’au final un fort rejet psychologique.

Que faut-il donc faire ?

L’Ecole doit procéder d’une autre manière c’est évident sans pour autant faire table rase du passé. Il faut imaginer des processus plus actifs, plus participatifs, co-contructifs, à la fois individualisés mais aussi collaboratifs notamment grâce aux nouvelles technologies. Il ne s’agit pas non plus de tomber dans l’utopie, qui dit suivi individualisé, évoque également la possibilité technique de surveiller plus efficacement le réel travail de l’élève. Les plateformes d’enseignement en ligne sont ainsi très efficaces. Une démarche éthique et d’information des élèves devra donc s’opérer mais elle aura le mérite d’alerter les élèves sur la gestion de leurs traces en dehors de la sphère scolaire où l’éthique sera moindre. C’est pourquoi, je prône plus d’usages pédagogiques des outils informatiques et ce de manière non artificielle comme cela demeure encore trop le cas dans les dispositifs b2I. Pédagogique n’exclut pas non plus le ludique à condition que ce dernier nous permette de faire acquérir de manière plus agréable et efficace ce qui relève du fastidieux et de l’effort indispensable (tables, grammaire, conjugaison, rigueur, etc.)

Il convient de réagir vite avant que les industries de service n’opèrent le glissement vers la captivité virale qui fait de chacun de nous un instrument de la dé-formation collective. Il suffit d’observer les blogs de skyrock.com pour être conscient de l’avancée du phénomène. Le prochain objectif est de transformer les cibles passives en acteur prosélyte, diffuseur viral de la culture du pitre, privé de sa libido et de son individuation.

Les hypomnemata actuels évoluent. Il convient donc qu’ils soient avant tout le socle d’un milieu associé garant d’une individuation psychique et collective, d’une avancée privilégiant l’avancée vers une communauté de savoirs privilégiant la durée face à une société de l’information entropique sans cesse adaptionniste.

Il donc grand temps de réformer ou plutôt de re-former.

Rapport commission Pochard

J’ai parcouru le pré-rapport Pochard. Outre l’aspect parfois trop administratif voire contradictoire notamment dans la première partie en ce qui concerne le niveau réel des salaires enseignants qui ne prend pas assez en compte la régression sociale et « sociétale » des enseignants , le rapport présente quelques points intéressants particulièrement dans la seconde partie.
Néanmoins l’éventuel impact des TICE sur l’évolution de l’enseignement et donc de l’évolution des enseignants est négligé. Mais ce n’est guère une surprise, la commission ayant peu interrogé de « jeunes enseignants ». L’erreur c’est que le temps de travail hors cours magistral va à mon avis s’accroître dans le suivi individualisé en présentiel et en prolongement de présentiel.
Ceux qui s’intéressent aux projets de réforme, à l’évolution de l’enseignement et qui regardent ce qui se fait ailleurs constatent qu’il faut sortir des dogmatismes et des grands principes.

Or, j’ai le sentiment qu’il faut être aussi réaliste. Il est nécessaire de réformer et la situation actuelle ne peut guère durer. Pourtant les petits changements qui sont en train de s’opérer ne peuvent être anodins et le rapport ne les examine pas en étant trop centré sur les enseignants ce qui est également un risque. Il est à mon avis difficile de séparer la carrière et rémunération des enseignants de l’ensemble de du système éducatif.

Il se prépare selon moi, un changement institutionnel voire systémique. L’ouverture de la carte scolaire étant une boite de Pandore qui va en être le déclencheur. Certains diront que c’est volontairement calculé pour rendre les réformes obligatoires. Selon moi cette ouverture va entrainer l’indépendance des établissements et l’accroissement de la concurrence. Cela va entrainer des fermetures ce qui n’est pas toujours selon moi une mauvaise chose. L’autre évidence c’est que face à la concurrence et à la nécessité d’être performant, le système de recrutement et de mutation actuel devient intenable. Le rapport l’évoque mais ne parle pas de son changement à mon avis inéluctable. Les besoins spécifiques vont s’accroître et les chefs d’établissements ne vont guère apprécier les parachutages par système de points. Cela implique donc un recrutement de plus en plus décentralisé avec Cv à la mode territoriale avec tous les risques et avantages liés à ces procédures. Le rapport note également le caractère inadéquat, mal perçu, inefficace et aléatoire de la notation notamment pédagogique et prône le rôle prépondérant que devrait avoir la notation administrative à l’échelon local dans l’évaluation des enseignants.

Les rapporteurs soulignent les carences en matière de formation continue. Il faut dire que le système actuel n’incite guère à la formation puisqu’un enseignant peut faire carrière avec un Cv exécrable et que les diplomes et compétences acquises ne sont pas valorisés lors des mutations. Selon moi, pour répondre à la formation continue, des enseignants pourraient réaliser tout ou partie ou de leur service voire en heures supplémentaires dans ce cadre.

Je liste en vrac d’autres propositions avec lesquelles je ne suis pas en désaccord :

– Institution de la bivalence notamment en classe de sixième-cinquième. J’en parle déjà depuis longtems sur le guide des égarés notamment en prenant exemple sur le système finlandais qui va encore plus loin.

– Annualisation du temps de travail et dépassement du cadre hebdomadaire. Annualisation identitique pour les certifiés et les agrégés. L’idée c’est que cela permet de fluctuer l’emploi du temps et d’avoir des enseignants plus investis durant certaines périodes. Cela peut être à mon avis motivant si on imagine par exemple qu’un enseignant souhaite se former pendant le temps dégagé, faire des recherches ou s’il souhaite s’investir dans d’autres projets personnels.

– Rémunération annexe prenant en compte notamment le temps de travail au sein de l’établissement. Le  problème des locaux d’accueil est aussi signalé.

 

Le rapport évoque une formation de type bac + 5 ce qui entrainerait à terme un changement de la grille indiciaire car le rapport n’envisage aucunement de changement dans la configuration actuelle. Pour ma part, je vois bien cette formation ( de type formation simultanée avec sélection à l’entrée) en deux ans après la licence avec une prise en charge financière au moins la seconde année avec un stage professionnel de 6 mois. Le certificat serait validé à la sortie avec une épreuve. Je rejoints l’idée ici du concours simplifié. Je verrai bien la formation de cette manière : avec en master1, un mémoire plutôt axé sur la discipline et ses notions au sein de l’institution et en master 2 un mémoire pédagogique. Le but serait également d’ accroitre les recherches et expérimentations qui peuvent être sources de motivation.

Pour conclure, je dirai que ces évolutions comportent des risques et notamment celui de fragiliser davantage l’éducation et les défavorisés en produisant une éducation à plusieurs vitesses. Mais cela éviterait l’actuel nivellement par le bas. L’équilibre pourrait alors être obtenu avec la possibilité de mieux rémunérer les enseignants dans les zones de difficulté : l’état aiderait ainsi les zones géographiques les moins riches. Le système est à construire mais il faut bien réfléchir dès maintenant à toutes les conséquences et travailler pour une écologie (au sens scientifique) de l’Education.

 

Outre le fait que les professeurs-documentalistes sont encore absents du rapport mais il est évident que des volontés pour leur disparition sont évidentes tout au moins dans le but de faire disparaitre la dimension pédagogique au profit de la managériale, je rejoints un peu la remarque outre-atlantique de guitef qui considère que désormais nous sommes rentrés dans un quais impossible consensus. Malgré tout, il semble qu’il faille quand même y travailler.

Digital natives, objet technique et B2I

Je réagis au billet de francis pisani sur la génération « Google » dont j’ai déjà parlé il y a peu de temps. Il s’avère que de plus en plus les analyses contredisent la vision « digital natives » de Prensky et montrent que la réalité est bien plus complexe voire beaucoup plus préoccupante.
Je remarque également comme beaucoup d’autres collègues l’ignorance des adolescents en ce qui concerne l’objet technique « ordinateur » à la fois au niveau software et hardware. Il en est de même pour la connaissance un peu plus poussée des notions de base de navigation qui devraient être acquises dans le cadre du B2I. Or, dans la tête de mes élèves, c’est le mélange total entre moteurs, navigateurs, google, internet explorer et je ne parle même pas des notions un peu plus précises. Evidemment, la plupart des enseignants ne sont guère plus au fait des différences. Moi ce qui me dérange, c’est qu’il y a confusion entre cette attraction, qui est principalement due à l’impression de facilité : à une logique de bouton poussoir quasi « pavlovienne » et une réelle maîtrise. Dès lors, j’ai tendance à partager l’avis d’EPFL (et non de  Florence Meichel comme je l’avais écrit initialement en me trompant mais que l’intéressée m’a signalé. voir commentaires) qui commente l’article de Francis Pisani en remarquant qu’au final, la génération la plus à l’aise ne se trouve pas être la jeune génération actuelle mais en fait plutôt celles des trentenaires plus souvent confrontée à l’envers du décor, c’est à dire au code :
« Je crois en fait que la génération des trentenaires est un peu particulière du point de vue du rapport à l’outil informatique. Nous y avons été familiarisé avec des machines plutôt primitives, et pour en tirer parti il fallait vraiment ne pas hésiter à “rentrer dedans”. Je me souviens qu’adolescents, nous devions souvent programmer nous-mêmes nos propres jeux (élémentaires bien sûr, genre pong). D’ailleurs, les revues de micro (type S&V micro, crois-je me souvenir), proposait des lignes de code à reprendre. Aujourd’hui, les ado n’ont évidemment plus ce genre d’effort à fournir. C’est autant d’apprentissage approfondi en moins. De plus, les machines de l’époque étaient beaucoup plus “ouvertes”, et on pouvait sans problème les bricoler, au moins au niveau software. Aujourd’hui, ce sont de véritables “boîtes noires” (toujours surtout au niveau software). Allez essayer de comprendre Vista, a fortiori de le modifier! De ce point de vue, les ordinateurs ont suivi l’évolution de la plupart des objets techniques : ils se sont “refermés” en se complexifiant. Un peu comme les voitures, que n’importe qui pouvait (et devait) bricoler au début du siècle, tandis qu’aujourd’hui il est impossible d’y mettre la main, tant elles sont bourrées d’électronique et d’éléments de haute technologie. »
Pour reprendre ici la logique de Simondon à la sauce Stiegler, la constitution de milieux associés avec les TICE n’est donc pas évidente d’autant qu’en temps passé devant l’ordinateur, l’usage ludique de nos adolescents prime sur l’usage pédagogique sans compter que l’innovation est peu fréquente si on songe au mimétisme « débilisant » des skyblogs. De plus, les choix éducatifs ne font qu’accroitre cet état de fait. En clair, le B2I ne parvient pas développer une véritable culture informatique, pire il ne fait que dissimuler la vérité avec des validations au final faites à la va vite basées sur une découpe de compétences sans réelle signification tant la culture informatique et la culture de l’information sont plus complexes. Je continuerai cette année à valider des items malgré tout, mais avec la conviction que tout cela n’est désormais qu’une mystification. L’objet B2i dans sa volonté transdisciplinaire n’était pourtant pas si mauvais à sa création, mais force est de constater qu’il ne remplit pas sa mission et qu’il ne fait que dégrader au final les moyens de mettre en place les conditions de transmission d’une culture informationnelle et informatique. Le B2I ne demeure qu’au triste stade d’objet administratif et nullement pédagogique et il en sera sans doute de même du socle commun car ces dispositifs demeurent insuffisants. L’enseignement doit donc se réformer…vraiment et cesser d’accumuler les heures de cours en faisant croire qu’il y a chaque fois assimilation. Je crois que les nouvelles technologies et notamment les plateformes d’e-learning peuvent constituer d’excellents moyens pour rendre plus efficaces les cours en présentiel et en prolongement de présentiel en permettant une pédagogie différenciée et une individualisation des parcours mais j’y reviendrai sans doute sur ce blog. Le but serait que l’usage pédagogique soit supérieur sur tous les plans à l’usage domestique à la fois en temps passé et en complexité d’usage…au moins dans un premier temps.
Le chantier s’annonce vaste tant les enjeux sont importants et surtout parce que nous sommes très loin du consensus éducatif.

Métamorphose de l’éducation : allons-nous devenir des individus purs ?

Dans la lignée de ma réaction anti « éducation 2.0 » au niveau conceptuel, je pense qu’il faut faire attention à ne pas être dans une mutation permanente. Il faut donc envisager des éléments stables avec des éléments évolutifs et non pas adaptationnistes voire quasi darwinistes. Je m’inscris donc encore une fois contre le concept d’éducation 2.0 ou bien encore contre celui d‘apprentinuité proposé par la dynamique Florence Meichel qui cherche à fédérer toutes les bonnes volontés pour tirer profit au maximum des nouvelles technologies pour améliorer les performances éducatives. Je vous invite d’ailleurs à participer au réseau qui regroupe plusieurs usagers actifs dans le domaine et sur lequel vous trouverez liens et réflexions pertinentes. Même si nous ne sommes pas tous d’accord, la discussion reste courtoise, ce qui peut faire progresser le débat. Je vous invite également à lire la réflexion de Mario Asselin sur le sujet.
Je ne peux souscrire donc aux notions d’apprentinuité, ni de méta-élève pour la simple raison que cela entraine non pas une métastabilité telle que la voit Simondon mais une déstabilisation permanente. Une nouvelle fois, il s’agit d’être proactif comme le propose le finlandais Teemu Arina et pas seulement réactif. Je comprends malgré tout la volonté de prôner un enseignement qui ne soit pas en décalage, mais je rejoints Teemu sur la nécessité d’échapper à l’âge de la vitesse.

Dès lors, l’éducation demeure l’éducation et les apprenants demeure des apprenants et non des apprentinuants, barbarisme linguistique avec lequel j’ai beaucoup de mal puisqu’il s’agit d’un pléonasme, apprenant comportant déjà cette permanence d’apprentissage. Il ne s’agit donc pas de déstabiliser un peu plus des concepts et des institutions déjà en grande difficulté mais de permettre la transindividualisation notamment des élèves voire des enseignants grâce aux nouvelles technologies devenues hypomnemata des milieux éducatifs associés. Il s’agit d’adopter plutôt que de s’adapter.
Je pense pourtant que Florence partage les mêmes objectifs que moi, mais il faut être prudent et surtout efficace. L’institution scolaire doit se transformer et progresser à la fois dans une individualisation psychique et collective mais également afin que l’élève puisse se ré-approprier les moyens d’accès au savoir face aux tentatives de court-circuitage entropique des industries de service. (cf Stiegler)
Or, il faut être clairvoyant car les outils du web 2.0 peuvent également constituer des techniques dissociatives qui peuvent encore plus priver les usagers notamment de leur anonymat. Je songe ici au phénomène de l’Arcadie, prolongement du web 2.0, qui nous enferme dans un panoptique foucaldien permanent où nous sommes autant que voyeurs qu’observés. Je renvoie ici à mes articles sur urfist info et sur le site spokéo.
Par conséquent pour créer ces milieux associés, il faut prendre en compte la technique et notamment la culture technique qui implique que nous devenions majeurs au sens de Simondon et pas seulement mineur, c’est à dire qu’il nous faut comprendre le fonctionnement et la philosophie de ces outils qui n’ont probablement pas encore atteints leur concrétisation ultime.
Je rejoints néanmoins Florence sur le fait que nous non plus, apprenants et enseignants n’avons sans doute pas encore complèté notre transindividuation, mais il ne s’agit nullement d’augmenter l’entropie informationnelle et bien au contraire de construire la néguentropie des savoirs. Cela implique de l’association mais aussi de la distinction.
Par conséquent, ce n’est pas les concepts qu’il faut faire évoluer mais bel et bien le système. Il nous faut ainsi devenir des individus purs au sens de Simondon « médiateur entre la communauté et l’objet caché ou inaccessible »

L’université de Google

Un mini buzz s’est produit dans la sphère des professionnels de l’information et en particulier ceux de de l’information literacy après les propos de Tara Brabazon de l’université de Brighton qui trouve les étudiants de plus en plus feignants car ils se cantonnent dans l’usage du duo Google et Wikipédia. Elle emploie donc le terme d’université de Google « university of Google » qui est également le terme de son dernier ouvrage. Ses propos tenus durant une lecture présentation de ses dernières recherches ont provoqué pas mal d’écho et notamment pas mal d’avis divergents.
Elle s’inscrit dans la lignée d’Andrew Keen qui avait employé l’expression « culte de l’amateur » mais qui avait confié à Francis Pisani qu’il n’avait pas une vision aussi figée. Pour ma part, je pense que le plus gênant, c’est le fort développement de la culture du pitre. Il en serait également de même pour Tara qui cherche surtout à enseigner l’information literacy et notamment le travail sur les sources. Il faudrait voir dans ces propos plutôt une stratégie pédagogique même s’il est certain qu’il y a également une stratégie commerciale évidente notamment au niveau de la vente de son ouvrage.
Ce qui a mis le feu aux poudres c’est les propos suivants rapportés par le journal « the argus »:
« I ban my students from using Google, Wikipedia and other websites like
that. I give them a reading list to work from and expect them to cite a
good number of them in any work they produce
. »
Scott Berkun replace l’intervention dans son contexte et montre que le bannissement n’est que stratégique et surtout provisoire. En effet, rien n’empêche un enseignant d’inciter ses élèves à chercher de manière différente et à se confronter vraiment à l’évaluation de l’information et à user d’autres stratégies pour accéder à des ressources pertinentes. Il est probable que le but de cette provocation est avant tout un plaidoyer pour la formation à un meilleur usage de l’information. Il est vrai qu’il existe un risque que cela renforte les positions conservatrices de certains, notamment de quelques bibliothécaires qui s’inscrivent contre ces nouveaux usages ce que déplore sur son blog Peter Godwin.
Je vous invite à lire sur le sujet l’article d’Edward Bilodeau que j’ai commenté sur mon nouveau blog test Et in Arcadio ego qui est en fait un lazy blog.
En guise de final, je note que justement des chercheurs britanniques ont conclu qu’il n’y avait pas véritablement de génération Google. Le programme de l’étude est ici et les premiers résultats .
Pour ma part, je songe que certes l’usage abusif de wikipédia peut-être gênant mais je note également que l’encyclopédie en ligne permet d’éviter la rencontre de sites peu pertinents. Je rejoints cependant Tara dans le fait que cela n’incite pas les élèves et étudiants à se confronter à l’analyse poussée des différents sites rencontrés. Je peux confirmer que cet exercice est très difficile pour mes collégiens qui participent à l’expérience historiae. J’en appelle à vous lecteurs d’ailleurs pour laisser des commentaires critiques, poser des questions aux rédacteurs voire indiquer d’autres pistes non exploitées sur le blog d’historiae.

 

Contre le concept d’éducation 2.0

J’ai récemment utilisé le concept de culture de l’information  2.0 dans une conférence à la fois en clin d’oeil ironique à la volonté de mettre du 2.0 partout mais également parce que dans mon esprit cela correspondait à une nouvelle étape après la thèse de Brigitte Juanals.
J’ai moi-même appliqué le 2.0 à celui de bibliothécaire. Je développe donc ici mon argumentation suite au message que j’ai posté sur le réseau apprendre 2.0 créé par Florence Meichel sur ning et sur lequel il m’a été demandé de m’expliquer par Olivier d’Ocarbone.
Je considère que l’éducation doit demeure tel comme concept et qu’il ne s’agit pas de lui adjoindre du 2.0 puisque cela reviendrait à affaiblir un concept qui est déjà en difficulté en la faisant rentrer dans une phase d’instabilité permanente. Je considère donc que l’éducation doit donc au contraire se démarquer et s’inscrire dans la pérennité de part ses objectifs généraux qui au final ne varient pas nécessairement  dans le temps.
Dès lors, je m’inscris contre ce concept d’éducation 2.0. Je ne pense pas être le seul, Eric Delcroix avait perçu le caractère vain de l’initiative notamment parce qu’elle s’inscrit dans le temps et qu’elle est vouée d’emblée à être dépassée au risque de n’être jamais mis en place :
L’éducation 2.0 existe t-elle ? Malheureusement, je ne pense pas. Je ne crois pas qu’elle aura d’ailleurs le temps de se mettre en place balayée qu’elle sera par les autres « révolutions » dans notre environnement multimédia. Elle restera à l’état d’embryon, marquant juste un passage vers d’autres formes d’éducation !
De plus, le terme d’éducation 2.0 est surtout à mon avis un concept porteur véhiculé par des consultants. Or leurs objectifs diffèrent grandement de ceux du système éducatif. Personnellement j’ai beaucoup de mal avec les consultants en éducation qui n’ont jamais été profs et je pense que c’est un sentiment partagé par de nombreux collègues. Il y a également une confusion entre l’adjonction de nouvelles technologies et les nouveautés pédagogiques qui pourraient en résulter. En ce sens, l’éducation 2.0 reproduit l’erreur de mettre en avant toujours les technologies et c’est un risque que je mesure moi-même en étant trop souvent assimilé au web 2.0 plutôt qu’à mes autres centres d’intérêts et de recherches.
Malgré tout cela ne signifie pas qu’il ne puisse pas y avoir des profs 2.0 dans le sens où ils établissent des séquences pédagogiques usant des nouvelles technologies : blogs, wikis mais aussi en prenant en compte l’aspect social de ces outils et en étant conscient des changements de paradigmes occasionnés. Car le web 2.0 n’est pas neutre et il faut être également conscient de ce qu’il implique. Le terme de web 2.0 est au départ une stratégie marketing et il me parait important que l’éducation s’en distingue philosophiquement. Stiegler dirait sans doute qu’il faut constituer des milieux associés éducatifs. En clair, l’éducation doit demeurer, mais ce sont les profs et les méthodes ainsi que les systèmes éducatifs qui doivent changer et évoluer. Et parler d’éducation 2.0 n’a rien d’exceptionnel, ce n’est qu’une réaction à l’évolution du web 2.0, il n’y a donc rien d’innovant, c ‘est simplement une stratégie réactive d’adaptation : c’est insuffisant. Si on désire être à la pointe, je rejoints Teemu Arina en étant surtout proactif plutôt que réactif.

Interview pour les documentalistes de l’académie de Rennes

Je reproduis ici l’interview réalisée par Alain Le Flohic que vous pouvez également retrouvé ici.

Olivier, tu es à nouveau documentaliste en collège cette année après avoir été détaché à l’UBS de Vannes. Tu travailles actuellement sur une thèse d’information-communication.
Tu as créé un site : le guide des égarés : pourquoi ce titre? Quel est l’objectif de ce site?

Le guide des égarés existe depuis 1999. C’est le nom d’un ouvrage de Moïse Maimonide, penseur juif de Cordoue, dont le titre m’avait séduit car j’avais trouvé qu’il pouvait correspondre au monde de la documentation et des bibliothèques. L’objectif initial était de proposer aux bibliothèques de nouvelles idées. Peu à peu au fur et à mesure de mes recherches et de mon évolution professionnelle, les thématiques se sont peu à peu élargies et concerne l’ensemble de la sphère de l’information, de la documentation et des bibliothèques ainsi que la pédagogie et les nouvelles technologies. C’est aussi pour moi un laboratoire d’idées et d’expérimentations techniques.

Tu as écrit plusieurs articles sur les folksonomies. Peux-tu nous en parler et nous dire en quoi le développement de ce type d’usages doit intéresser les documentalistes.

Il convient toujours d’effectuer un peu de veille sur des applications qui touche le monde documentaire. Les folksonomies constituent une piste intéressante pour mieux faire comprendre aux usagers et aux élèves l’indexation en utilisant des tags. De plus les folksonomies vont encore évoluer et on verra se développer des systèmes hybrides avec la réapparition de thésaurus ou de suggestions plus pertinentes. L’emploi de tags permet également d’effectuer un travail dans le prolongement de celui réalisé dans l’initiation à la recherche sur Internet ou le choix des mots-clés s’avère crucial.

C’est en fait une aubaine car nous pouvons imaginer des sites de collège avec usage de tags et le tout obéissant à des règles définies à l’avance avec le documentaliste.

La masse des données produites et la variété des documents numériques rendent la question de l’indexation à grande échelle primordiale.


Que penses-tu de l’utilisation en établissement scolaire de l’encyclopédie Wikipédia?

Wikipédia n’est pas à blâmer c’est un nouveau média dont il faut se servir. Seulement il implique comme tout média une éducation critique et une capacité accrue d’analyse qui n’était pas aussi présente que face à une encyclopédie papier. La difficulté provient du fait que pour les élèves une page contenant des informations erronées et une page excellente se ressemblent. Une nouvelle fois, il leur faut lire et faire preuve d’esprit de synthèse et de clairvoyance ce qui n’est pas inné et ne peut s’acquérir qu’à force d’exercices.

C’est pourquoi parfois, je pense que l’apprentissage de la lecture est la base essentielle et qu’il n’est pas idiot de songer à des exercices de résumé et de synthèse de manière plus fréquente quitte à « débrancher »


Que penses-tu du développement des usages des blogs, de plates-formes comme facebook par les jeunes aujourd’hui?

Le pire comme le plus passionnant s’y côtoie. Néanmoins, j’observe des dérives inquiétantes que j’ai déjà abordées dans plusieurs articles et notamment dans Et in Arcadia Ego : vers une culture de l’information et de la communication où je notais le risque d’être continuellement connecté dans une volonté de transparence et de communication perpétuelle.

Pourtant des possibilités communicationnelles et informationnelles énormes nous sont offertes mais l’institution notamment scolaire peine encore à s’en emparer pleinement ce qui fait le jeu des fournisseurs privés. Les blogs ou les sites collaboratifs de type Spip sont de formidables outils qui peuvent aider à la motivation et à la progression des élèves. Seulement, ce sont surtout les usages de type skyblogs qui sont les plus fréquents chez les élèves où la reproduction des mêmes schémas médiocres ne peut qu’inquiéter.

Les réseaux sociaux commencent à prendre leur essor avec le succès de Facebook que je teste moi-même. Une nouvelle fois, les craintes sur la vie privée sont réelles mais les possibilités de diffusion d’information et de partage de données sont intéressantes.

Tu es un adepte de ce qu’on appelle le web2.0. Quels en sont les outils qui, à ton avis doivent retenir l’attention des documentalistes?

Les plateformes de blogs ou de sites collaboratifs doivent être davantage utilisés et pas seulement par les documentalistes.

Les wikis ou toutes les formules qui permettent de travailler à plusieurs sont également à encourager car ils peuvent devenir des moyens de mettre en place des travaux collectifs et de pouvoir intéresser à la notion d’ « intérêt général » qui est en perte de vitesse.

Les sites de partage de signets de type del.icios.us m’intéressent énormément car ils permettent de faire de la veille collaborative de manière efficace. Ils me semblent désormais indispensables à tout professionnel de l’information.


Comment vois-tu dans les années à venir l’évolution du métier de documentaliste?

On touche ici la question cruciale voire inquiétante. Le métier va encore évoluer à moins que sa disparition n’advienne. Je crois que le métier doit se transformer à nouveau vers plus d’intervention pédagogique pour la mise en place d’une véritable culture de l’information et de la communication. Cela implique donc un éventail de notions et de savoirs à transmettre qui vont des capacités d’analyse critique jusqu’à l’éducation aux médias et notamment aux nouveaux médias.

Seulement cette transformation ne peut s’accomplir que si l’ensemble du système évolue y compris les autres disciplines.

Sans quoi il y a fort à craindre que la disparition des enseignants-documentalistes ne s’accélère si on en juge la diminution du nombre de postes au Capes et le manque de reconnaissance institutionnelle de la profession au sein du secondaire qui fait des documentalistes les enseignants les moins bien rémunérés et considérés. (Je songe ici à l’ISO et aux heures supplémentaires, et primes diverses)

Aujourd’hui seule notre mission de gestionnaire voire de garderie semble intéresser vraiment l’institution qui n’a d’ailleurs toujours pas compris que le problème ne concerne pas l’accès matériel à la technologie mais une réelle formation à ces outils. Si ce raisonnement prime alors effectivement, il n’y a pas vraiment besoin de capes. Sur le plan pédagogique, l’inspection générale a tendance à vouloir que les enseignants prennent en charge cette éducation, le documentaliste pouvant prêter main forte si besoin. La vassalité de la documentation et du bon usage de l’information demeure. Pourtant si beaucoup de documentalistes doutent encore de la légitimité disciplinaire, il ne serait pas inadéquat que nos collègues des autres matières en fassent autant. Pour ma part, je plaide pour un new deal disciplinaire qui laisse place à plus d’enseignants interdisciplinaires notamment en sixième-cinquième. Au lycée Je souhaiterais que l’éducation à l’information et aux médias devienne un nouveau point fort de la section littéraire.

Comment envisages-tu la formation des élèves aux sciences de l’information et de la communication?

Je pense qu’elle ne pourra se faire que dans le cadre du new deal que j’évoquais auparavant. Pour cela il faudra tisser des alliances entre les notions infodocumentaires, l’éducation aux médias et…l’informatique et la formation aux nouveaux outils. Cette démarche s’inscrit donc d’une manière bien différente de celle du B2I qui est insuffisante trop axée habiletés et compétences. Les travaux de Pacal Duplessis qui travaille sur les notions primordiales à transmettre sont une intéressante piste à suivre pour la mise en place d’un réel projet didactique. Mais le chantier reste difficile car il faut encore convaincre. Je plaide pour une nouvelle culture générale, « eine neue Aufklärung »[1] pour véritablement « réenchanter » le monde comme le prône Bernard Stiegler.[2]



 

[1] Pour reprendre le projet d’Emmanuel Kant sur les lumières.

 

[2] Bernard Stiegler.& Ars industrialis. Réenchanter le monde. La valeur esprit contre le populisme industriel. Flammarion. 2006

Stiegler schématisé

J’ai donc entrepris de retraduire une partie des idées actuelles de Bernard Stiegler sous forme de cartes heuristiques. Vous pouvez retrouver ici sa page perso.
Pour ma part, j’ai travaillé sur l’ouvrage Réenchanter le monde – La valeur esprit contre le populisme industriel.
J’ai commencé la carte de manière manuscrite dans le train et je l’ai finalisée avec mind manager.
Une vision succincte avec topicscape Se :

Visualisation avec Mind manager. Il est préfèrable de disposer la carte en plein écran pour une meilleure visibilité.

A noter l’entretien avec Bernard Stiegler sur le blog de Christian Fauré. 

Premiers articles d’élèves sur historiae

J’ai procédé aux premières publications des travaux de mes élèves sur historiae.

Il en ressort un niveau de qualité nettement supérieur à la moyenne des skyblogs ce qui était l’objectif minimal. Il semble que la recherche d’information a été relativement correcte dans la mesure où les élèves se sont principalement servis de sources neutres (souvent Wikipédia sert de point de départ ce qui démontre que l’encyclopédie même si elle est imparfaite évite peut-être le recensement de sites conspirationnistes) Il faut donc également être modeste et prendre en compte à la fois la difficulté de la recherche et le niveau des élèves qui ne sont que des collégiens.
Parfois ce sont des sources émanant de travaux d’école de journalisme ou de scientifiques qui ont été utilisées ce qui explique le ton neutre que l’on peut retrouver.
Malgré cela, le travail d’évaluation de l’information reste encore à approfondir. Les réflexes d’analyse ne sont pas encore présents notamment la recherche de l’auteur et la lecture de l’URL. Notre contrôle durant le travail permet de guider l’évaluation mais il est clair que l’évaluation nécessite un apprentissage long et que seuls les conseils procéduraux ne sauraient suffire tant on est dans une logique de culture de l’information. La citation des sources n’est pas toujours automatisée, et il est vrai que l’encyclopédie wikipédia dans sa logique d’auteur collectif accroit la difficulté de prise de conscience.
Le dictionnaire papier a été également utilisé parfois pour mieux cerner le sujet et pour des raisons orthographiques. Des élèves ont dans cet objectif fait quelques efforts pour corriger leurs textes en redécouvrant des règles de bases. Il a fallu néanmoins effectuer d’autres corrections pour rendre le texte publiable mais c’est également dans la logique du travail où les enseignants sont à la fois les relecteurs-correcteurs et les rédacteurs en chef.