Les humanités digitales : un renouveau pédagogique ?

Je publie ici ce travail initialement destiné à une revue de vulgarisation de la recherche, mais qui a finalement été refusé pour des motifs inconnus. Je préfère le mettre ici en ligne : il s’adresse à un public élargi car les initiés des humanités digitales n’y apprendront rien de particulier. J’espère néanmoins que l’année 2016 verra davantage de publications et de manifestations sur cette thématique (d’après mes infos, cela devrait être davantage le cas !)

Le contexte des humanités est d’abord celui d’une interrogation des processus et méthodes de recherche avec l’utilisation de plus en plus fréquente d’outils issus de l’informatique. Parmi les définitions les plus générales et consensuelles, celle issue du manifeste du ThatCamp[1] de Paris 2010 apparaît comme étant la plus claire et la plus efficace :

« 1. Le tournant numérique pris par la société modifie et interroge les conditions de production et de diffusion des savoirs.

  1. Pour nous, les digital humanities concernent l’ensemble des Sciences humaines et sociales, des Arts et des Lettres. Les digital humanities ne font pas table rase du passé. Elles s’appuient, au contraire, sur l’ensemble des paradigmes, savoir-faire et connaissances propres à ces disciplines, tout en mobilisant les outils et les perspectives singulières du champ du numérique.
  2. Les digital humanities désignent une transdiscipline, porteuse des méthodes, des dispositifs et des perspectives heuristiques liés au numérique dans le domaine des Sciences humaines et sociales »[2]

Si la dimension orientée recherche et les réflexions épistémologiques qui l’entourent sont dominantes, la question pédagogique a été évoquée également en parallèle, tant il s’agit de faire évoluer l’ensemble des fonctions académiques. La question pédagogique souvent mise au second plan dans les mondes universitaires possède cependant des aspects intéressants d’autant qu’ils mêlent plus aisément justement recherche et enseignement. En effet, une des pistes les plus opportunes porte sur l’inclusion d’outils numériques au sein des cours et des dispositifs. Mais c’est principalement la question de la formation précoce des étudiants à des questions de recherche qui mérite d’être également évoquée. Si cet aspect est abordé dans le temps des humanités digitales[3], nous souhaitons ici présenter quelques actions potentielles. Le sujet a donné lieu à un ouvrage sur cette question[4] et a intéressé quelques ThatCamp dédiés à cette question[5]. A suivre également sur GitHub, la plateforme de gestion des projets informatiques, un travail collectif qui vise à publier des ressources réutilisables et remixables pour des projets pédagogiques liés aux humanités digitales[6] mais qui est encore en cours de constitution.

Le choix d’évoquer des humanités digitales permet également de mieux prendre en considérant des aspects matériels que les discours simplistes de la matérialisation ont pu minimiser. Si beaucoup des possibilités proposées dans cet article se déroulent à l’Université, il est fort possible de les envisager également au niveau secondaire. Kelly Mills [7]qui a intégré la pédagogie numérique vis-à-vis de ses étudiants en histoire insiste sur la nécessité d’offrir une liberté d’expérimenter pour augmenter leur engagement et leur motivation. Dans tous les cas, il s’agit de concevoir les aspects pratiques des humanités digitales en encourageant à faire et à pratiquer[8] pour développer des compétences qui doivent s’intégrer de façon plus précoce. Le projet Humanlit[9] (Humanités numériques et littératies) mettait en avant le besoin d’intégrer les humanités digitales au plus tôt dans les cursus, c’est-à-dire au niveau de la licence. L’enquête mettait également en avant le besoin de pouvoir s’appuyer sur une culture numérique en construction qui repose sur des compétences et littératies acquises au niveau du secondaire.

Nous pouvons lister quelques pistes évoquées dans des projets de recherche avec des déclinaisons pédagogiques :

La participation à la transcription. Dans le cas du fameux projet Bentham[10] qui a consisté à numériser l’œuvre du philosophe, il a été nécessaire de faire appel à un collectif d’amateurs pour les inciter à transcrire les documents du fait des limites de l’océrisation[11]. Le projet de recherche s’est appuyé sur une communauté de passionnés qui a pu trouver des éléments de motivation supplémentaires via un processus de gamification qui recense et quantifie toutes les actions effectuées avec notamment un classement final avec des récompenses. On retrouve ces possibilités de transcription sur wikipédia où la communauté est telle qu’elle peut opérer rapidement des opérations de transcription ou de correction du texte numérisé comme ce fut le cas pour le traité de documentation de Paul Otlet en janvier 2015 suite à son arrivée dans le domaine public. Cette opération de transcription apparaît intéressante dans la mesure où il s’agit d’un bon moyen de se confronter au document original numérisé pour vérifier la qualité de la transcription ou le transcrire intégralement. L’étudiant apporte alors son travail à l’ensemble du collectif tout en travaillant sur des sources originales. De façon pratique, il est possible d’effectuer des projets de ce type avec le logiciel Omeka[12] (qui permet de gérer des collections de documents et des expositions virtuelles) et son plugin Scripto[13].

La cartographie : Le but est d’utiliser les techniques de cartographie avec des outils type openstreetmap ou google maps pour cartographier par exemple l’ensemble des lieux cités dans un œuvre littéraire. Ce travail a par exemple été réalisé pour l’œuvre Ulysse de James Joyce[14]. Ces possibilités cartographiques sont décrites dans le chapitre de Chris Johanson and Elaine Sullivan Teaching Digital Humanities through Digital Cultural Mapping[15] dans l’ouvrage dirigé par Hirsch. Le but est d’apprendre aux étudiants à utiliser toutes les possibilités offertes par les systèmes d’information géographique. Plusieurs objectifs pédagogiques sont mis en avant :

  • Enseigner aux étudiants comment comprendre, utiliser et critiquer les outils et les technologies liées au web, les systèmes d’information géographique plus particulièrement et ce afin de développer une culture numérique.
  • Fournir aux étudiants les outils technologiques afin d’évaluer et de contribuer à des projets de cartographie numérique dans les sciences humaines
  • Enseigner une visée professionnelle qui permette de développer des capacités d’analyse critique au sein d’espace de visualisation complexe tout en comprenant les questions liées aux formats des données.

Mathieu Noucher[16] en France travaille particulièrement sur les enjeux de la participation à la fabrique cartographique pour en montrer notamment ses apports citoyens. La cartographie peut aussi être évoquée dans l’utilisation de logiciels qui travaillent sur les aspects réseaux sociaux et les liens du web notamment en récupérant des outils de crawl pour réaliser des cartes sur le logiciel gephi. Cependant, ce type de cartographie requiert des compétences plus avancées. Toutefois, il est possible de faire participer les étudiants à la collecte des sites sur une thématique précise notamment en utilisant des outils de signets sociaux comme diigo où il sera possible d’ajouter des tags, des annotations et des commentaires. La participation à des recueils de données constitue une étape clef car cela permet aux étudiants de prendre part à la réalisation d’un corpus. Le lien est donc possible avec les outils d’annotation qu’offrent déjà les signets sociaux.

L’annotation

 L’annotation reste historiquement une des bases du travail sur document et des premières logiques historiques des humanités digitales. Évidemment, l’objectif est d’envisager un système d’annotations collaboratives. Si le plus simple est de pouvoir travailler à partir de dispositifs type google doc, il existe des outils comme co.ment[17] qui permettent d’annoter un document type mémoire ou un article afin de faire travailler un collectif d’étudiants. Pour l’instant, ces dispositifs sont bien souvent expérimentaux et intéressent plutôt les chercheurs eux-mêmes. Nous pouvons citer dans ce cadre l’expérimentation menée autour de la version numérique de l’ouvrage debates in digital humanities[18] qui est accessible gratuitement en ligne et qu’il est possible d’annoter de façon collaborative via le logiciel open source disponible sur github[19].

Par le passé, on se rappellera que les textes collaboratifs du collectif Rtp-doc (Roger Pédauque) avaient fonctionné sur des dispositifs quasi similaires pour produire les réflexions autour du document numérique. L’écriture collaborative fait pleinement partie des potentialités pédagogiques des humanités digitales qu’il faudrait davantage développer.

La description documentaire.

La description des documents via des systèmes de métadonnées en TEI ou en Dublin Core. Là aussi, tout dépend du niveau de compétences que l’on souhaite transmettre, mais il apparaît plus motivant pour les étudiants de participer à un travail d’indexation de corpus existant que de demeurer sur de simples exercices. Les corpus en humanités digitales sont souvent encodés avec des systèmes de métadonnées élaborées. Outre des métadonnées Dublin Core qui sont plus aisément interopérables et qui sont relativement faciles à appréhender, le plus célèbre système de métadonnées dédiées à l’indexation des corpus et œuvres notamment littéraires est la fameuse Texte Encoding Initiative (TEI)[20]. On songe ici notamment aux élèves de l’école des Chartes qui travaillent sur de tels dispositifs depuis bien longtemps, ce qui explique d’ailleurs que le président Hollande a choisi d’évoquer la question des humanités numériques dans ces lieux en octobre 2015.

La fouille de texte

Les outils de textométrie sont très utilisés pour traiter des corpus massifs de données et offrent des lectures distanciées qui mettent en avant certains points que la lecture exhaustive ne repère pas toujours. Les outils comme TXM, Alceste, Iramuteq sont parfois enseignés dans les cursus mais de façon souvent tardive. Pourtant, leur utilisation permettrait de réaliser des analyses intéressantes notamment pour montrer aux étudiants l’intérêt des occurrences et des co-occurrences. Si beaucoup connaissent des outils comme Wordle, d’autres logiciels bien plus puissants permettent de traiter des corpus bien plus vastes. On mesure aussi ici l’intérêt de former également de nombreux enseignants des séries littéraires à ces questions si on veut véritablement concrétiser l’hypothèse d’un futur bac H, pour humanités digitales.

La valorisation.

Le logiciel Omeka (qui vous l’aurez compris permet de faire beaucoup de choses !) permet aisément d’organiser des expositions virtuelles[21]. Cet aspect permet d’inclure les étudiants dans la logique de la valorisation du travail scientifique via sa communication à un public élargi. Mieux encore lorsque les documents de base sont dans le domaine public, la meilleure piste est alors celle du hacking et donc de la transformation des collections dans un esprit proche de celui de Muséomix[22].

Les pistes sont celles d’une recherche en action qui permet de rendre la recherche plus attractive en l’intégrant davantage aux cursus, ce qui permet une formation précoce et une meilleure relation entre théorie et pratique. En cela, les humanités digitales posent la question d’une formation davantage technicienne dans des domaines où la tendance était de se situer dans l’apprentissage théorique. Il faut également songer que les pistes de manipulation d’objets 3D, depuis des logiciels dédiés pour des reconstitutions historiques jusqu’à leurs impressions pour la réalisation de maquettes sont également des éléments qui allient théorie, pratiques et un fort engagement et une forte motivation. Les récents travaux autour du port de Nantes dans le projet Nantes 1900[23] mené entre autres par Jean Louis Kerouanton constituent un bon exemple.

[1] Les ThatCamp (The Humanities and Technology Camp) sont des manifestations qui veulent renouveler l’organisation traditionnelle des colloques scientifiques en incitant les inscrits à participer davantage.

[2] Manifeste des digital humanities. http://tcp.hypotheses.org/318

[3] Olivier Le Deuff (dir.)(2014) Le temps des humanités digitales (dir.) Fyp éditions

[4] Hirsch, B. D. (2012). Digital Humanities Pedagogy: Practices, Principles and Politics. Open Book Publishers. (version en ligne disponible ici : http://www.openbookpublishers.com/htmlreader/DHP/toc.html)

[5] http://pedagogy2011.thatcamp.org/

[6] https://github.com/curateteaching/digitalpedagogy/blob/master/description.md

[7] Kelly, T. M. (2013). Teaching History in the Digital Age. University of Michigan Press.

[8] Berra, A. (2012). Faire des humanités numériques. OpenEdition Press. Disponible sur : http://books.openedition.org/oep/238

[9] Les résultats de l’enquête sont consultables et librement réutilisables ici : http://humanlit.hypotheses.org/206

[10] http://blogs.ucl.ac.uk/transcribe-bentham/

[11] Causer, T., & Wallace, V. (2012). Building A Volunteer Community: Results and Findings from Transcribe Bentham, 6(2). Retrieved from http://www.digitalhumanities.org/dhq/vol/6/2/000125/000125.html

[12] https://omeka.org/

[13] https://omeka.org/codex/Plugins/Scripto

[14] https://sites.google.com/site/notesonjamesjoyce/home

[15] http://www.openbookpublishers.com/htmlreader/DHP/chap05.html#ch05

[16] Par exemple, dans cet article : Matthieu Noucher. De la cartographie critique à la cartographie participative, de la carte à la fabrique cartographique. Journées d’étude de géographie critique, Apr 2015, Lyon, France. <halshs-01187076>

[17] http://www.co-ment.com/fr/

[18] Gold, M. K. (2012). Debates in the Digital Humanities. University of Minnesota Press.

Disponible sur : http://dhdebates.gc.cuny.edu/

[19] https://github.com/castiron/didh

[20] Burnard, L. (2014). What is the Text Encoding Initiative? : How to add intelligent markup to digital resources. Marseille: OpenEdition Press. Retrieved from http://books.openedition.org/oep/426

[21] Nous menons un projet de ce type avec l’équipe du projet Mauriac en ligne. http://mauriac-en-ligne.u-bordeaux-montaigne.fr/

[22] http://www.museomix.org/

[23] http://www.chateaunantes.fr/fr/nantes-1900

Antidote, mon pharmakon

Cela fait quelques années que j’utilise l’outil Antidote  pour donner suite aux conseils de mes différents éditeurs, afin de pouvoir effectuer plusieurs corrections sur mes textes. On me reprochait souvent des textes un peu trop bruts, et pas assez travaillés pour mériter une première lecture corrective. Certains éditeurs m’envoyaient même des exports pour me montrer les endroits où cela posait problème. Du coup, j’ai fini par l’adopter. Cela fait bien longtemps que je voulais en parler, mais j’ai sans cesse reporté ce moment. Je pense que ça inaugure une série de billets sur des outils que j’utilise régulièrement. La plupart sont gratuits ou open source, mais je commence au final par une exception avec un outil payant.
En premier lieu, l’outil est très pratique en matière orthographique et plus puissant que les outils intégrés généralement aux traitements de texte. Antidote se couple à la plupart de vos logiciels, y compris les messageries du web, ce qui en fait un outil mobilisable régulièrement. On peut aussi utiliser l’outil sur plusieurs ordinateurs familiaux. Je ne sais pas si c’est le cas dans la dernière version, mais il me semble qu’on peut le mettre à disposition sur trois machines. Il faut aussi vérifier la compatibilité système et logiciels qui peut être parfois difficile si on travaille sous Linux par exemple avec les versions récentes.
Je l’utile principalement dans sa fonction corrective en ce qui concerne l’orthographe, mais je l’utilise aussi en pour l’ensemble des aspects typographie ce qui s’avère très pratique. Si je considère Antidote comme un pharmakon, c’est justement parce que son nom est une traduction possible de pharmakon dans son versant positif. Dans son versant négatif, l’antidote peut devenir un poison, notamment pour celui qui voudrait l’utiliser de façon magique et idiote en lui intimant l’ordre de tout corriger d’un coup. Évidemment, c’est ce qu’il ne faut pas faire, car Antidote fait bien sûr parfois des erreurs d’interprétation du texte, surtout quand je fais des phrases compliquées. Cela peut sembler évident, mais j’ai tellement vu des élèves et étudiants déléguer ce travail d’analyse à leurs outils qu’il est préférable de le signaler. Il faut justement faire des choix assumés quand le logiciel vous signale une erreur ou bien souvent une impropriété de langage.

Mes éditeurs m’ont plusieurs fois demandé d’utiliser un logiciel de ce type, notamment pour corriger également les problématiques de style. Et il faut reconnaître que l’outil est pratique à plus d’un titre, quel que soit le type de document que vous rédigez. J’ai par exemple une tendance à vouloir trop nuancer et donc j’abuse des phrases négatives qui sont bien souvent peu lisibles et peu convaincantes. Il faut généralement éviter de mettre trop de négatives dans un article scientifique sauf s’il s’agit d’effectuer un constat qui implique une négation. Même chose dans des ouvrages théoriques ou des romans, car cela nuit au cheminement et à l’argumentation. Antidote vous les signale et c’est à vous de jouer pour la réécriture.
La réécriture, c’est justement l’atout du logiciel en tant que pharmakon, car il s’agit bien d’une relation homme-machine qui se doit d’être équilibrée pour que ça fonctionne. J’ai progressé depuis dans l’utilisation du logiciel de cette manière, mais aussi dans ma manière d’écrire, car il s’agit de réinterroger ses propres réflexes et habitudes d’écritures que démontrent notamment les répétitions. On a souvent des tics de langage à l’écrit. Le logiciel sert ici de révélateur, si bien que vous allez sans doute faire évoluer vos pratiques d’écriture au fil des mois en prenant conscience des habitudes qui ne sont pas toujours opérationnelles. Dans tous les cas, logiciel ou pas, on est obligé quand on écrit- ce fut particulièrement le cas pour moi dans ma thèse- de se remettre en cause et de réinterroger les règles d’écriture, de style, de ponctuation et d’orthographe. Pendant plusieurs mois, je ne savais plus écrire et je ne sais pas si c’est l’influence de Foucault, mais dans la rédaction, je me demandais pourquoi mettre une virgule à tel endroit, bref je remettais tout en cause. Je ne sais si je suis guéri depuis, mais une seule chose est certaine, c’est qu’on ne sait jamais véritablement écrire. D’ailleurs, un éminent membre de la 71ème section m’avait conseillé de suivre des cours d’écriture, car il avait dû corriger un de mes articles avant publication. Le fond était bon, mais pas la forme selon lui. J’ai eu du mal à encaisser sur le coup, mais depuis je garde ce mail comme un collector. Désormais, j’espère que je saurais peut-être un jour mieux écrire. À force d’accumuler des kilomètres de texte. L’écriture est un long apprentissage qui nécessite entraînement avec l’espoir de devenir meilleur, même si ce n’est pas toujours gagné. L’idéal serait donc que le logiciel vous accompagne au point où vous n’en aurez plus besoin car vous aurez intégré toutes les subtilités du langage et vous n’aurez plus que par plaisir à consulter le Littré, le Gaffiot voire le Robert. Du coup, on rentrerait dans le cas où il n’y aurait plus de prolétarisation de l’individu vis à vis de la machine, mais une indépendance grandissante vis à vis de l’outil via un transfert de connaissances qui se ferait au fur et à mesure. Une déprolétarisation en quelque sorte.
Antidote éclaire quelque peu cette pratique, même si je ne suis pas allé jusqu’à utiliser toutes les possibilités de dénombrement et d’analyse. De même, j’attends encore quelques années avant de tenter une analyse automatique avec extraction de concepts de tout ce que j’ai pu écrire. Je pourrais le faire aisément en utilisant notamment IraMuteq.
Pour le moment, j’utilise la version 8.5. Apparemment une version 9 arrive. Intéressant également, le module optionnel en anglais qui pourrait me tenter. Car évidemment pour moi, l’écriture en anglais est pire qu’en français, puisque je m’interroge sur le bien fondé de la moindre phrase dès que j’écris en anglais. Toutefois, l’anglais induit une simplification qui peut s’avérer pratique. J’aimerais bien avoir quelques avis sur la version anglaise avant de me lancer sur cette add-on. Pour rappel, Antidote est réalisé par la société druide à Montréal, ce qui explique par moment que logiciel nous signale nos gallicismes !
Rien n’empêche de continuer à utiliser d’autres outils même si le logiciel contient plusieurs dictionnaires qui sont pratiques pour comprendre certaines règles sans aller devoir se reporter au Grévisse.
En tout cas, un outil un peu onéreux – j’ai longtemps attendu avant de me lancer- mais intéressant à intégrer à sa pharmacie personnelle.
 

Du fav au like, nos étranges reliques

Difficile de ne pas réagir sur l’actualité, notamment quand on a déjà travaillé sur cette question au préalable notamment dans du Tag au Like. Le passage de l’étoile au cœur sur twitter n’est à nouveau que la nouvelle conséquence du passage du tag au like, ou plutôt de ce qui était du domaine du favori, du bookmarking à une logique impulsive et réductrice déjà observée précédemment avec le succès grandissant du Like par rapport au tag et à l’indexation. Le rapprochement avec le Want est sans doute aussi là dans ce choix du cœur.
Il est vrai que cette étoile n’était pas tellement claire, car on ne savait jamais véritablement sa réelle signification. Moi-même, la plupart des tweets que j’avais étoilés et favorisés l’étaient par mauvaise manipulation. Parfois, je m’étonnais même de voir que certains de mes tweets avaient été favorisés. Je ne savais d’ailleurs pas si c’était volontaire ou au contraire une mauvaise manipulation.
Que pouvions-nous faire des tweets étoilés?
Pour ma part, je m’étais amusé via ifttt de les renvoyer sur google drive, car je considérais qu’ils pouvaient être éventuellement utiles dans une logique de collecte. Honnêtement, je n’en fais pas grand-chose parce que dans ce domaine, les outils de social bookmarking comme diigo sont bien meilleurs.
Par conséquent, cette logique triomphante du like est assez classique dans une volonté de réduction à sa plus simple expression ; j’ai déjà abordé ce point à plusieurs reprises. Si les machines sont idiotes de temps en temps, elles ont besoin parfois aussi de formes réduites pour pouvoir plus aisément quantifier et modéliser.
Pourtant, loin de clarifier la chose, le like, symbolisé plutôt par un cœur ici que par un pouce, réduit à une démarche d’adhésion. On va donc additionner les likes également chez Twitter. La recherche du like va-t-il devenir un nouveau buzz, un nouveau moyen financier pour les marques, le marché des likes de facebook va-t-il être concurrencé par celui de twitter ?
On retrouvera néanmoins toute l’ambiguïté habituelle qui existait sur les « fav ». Favoriser un tweet, signifie plusieurs possibilités : celle classique du read it later des signets sociaux, celle de la conservation à des fins ultérieures parce que le fav s’inscrit dans une collecte, celle de favoriser parce qu’on aime vraiment…ou bien parce que c’est tellement emblématique du tweet catastrophique qu’on le collecte aussi. C’est le cas classique du mélange des différents sens du like, entre le like d’adhésion et le like de dérision.
Étoiler un tweet de nadine morano ne signifie pas qu’on adhère forcément. On hésitera sans doute plus à lui mettre un cœur !
Du coup, dans cette réduction, on est encore dans une logique qui vise à ne pas se poser vraiment la question du sens, mais plutôt à privilégier celui du calcul… Il est facile de calculer le tweet qui cumule des likes, de la personne la plus likée, du type de message likée, à quelle heure il y a le plus de likes, etc. On peut facilement derrière réaliser de nouveaux indicateurs et calculs. On est donc encore loin du web de données et même pas au niveau de polemictweet qui offre un début d’ontologies d’une controverse du tweet.
On veut gérer le + mais on ne veut pas trop gérer le moins, le terrible bad buzz, et encore moins la complexité des interactions. Pourtant, twitter est une sphère de controverse, d’affrontements, de débats, de désaccords, de précision.
C’est justement dans ce cadre qu’on attendrait de plus amples développements notamment pour aller au-delà d’un binarisme classique.
On reste dans le phénomène du loft qu’on a voulu assagir. On devait choisir qui on voulait éliminer initialement: le dislike, finalement le CSA avait encouragé au Like à l’inverse. Il est vrai qu’on est désormais tous dans le loft et qu’on ne peut plus en sortir.
Pourtant, ce refus du dislike pose problème. Il est pourtant important et parfois utilisé au niveau politique : le referendum en est la plus simple expression même si on confond souvent celui qui pose la question avec la question elle-même. La possibilité de voter entre accord, mitigé et désaccord lors du projet de loi sur le numérique est plus intéressante. Cependant, le dislike n’existe pas non plus quand il faut voter pour des candidats et des partis. Pour autant, un vote qui serait basé sur une plus grande complexité entre le like et le dislike pourrait constituer véritablement une alternative face à l’aporie like/dislike surtout en ce moment où on a quand plus envie de disliker que liker au niveau politique. Si on veut résoudre l’abstention, qui est le seul dislike possible finalement, il faudrait intégrer du dislike dans le processus électoral et législatif.
Alors, que va-t-on faire de ces cœurs avec adresse (cœur sans adresse est un tube éphémère des années 80°) ?
J’avoue que j’aimerais bien quand même pouvoir réaliser des cartographies des likeurs mais aussi des dislikeurs. On a besoin d’un dislike type schtroumpf grognon et pas seulement de mettre en avant le bisounours avec le cœur.
Pour plaisanter, j’ai lancé rapidement un tweet sur la nouveauté proposée par twitter : le like sur twitter produira-t-il des reliques ?
J’avais posé la question de que faire de ces likes sur twitter dans quelques années, au moment où certaines voix s’élèvent pour dire que l’archivage des tweets par la bibliothèque du congrès est voué à l’échec….
Ce qui n’était qu’un jeu de mots me semble en fait assez pertinent après réflexion car la relique est justement ce qui reste (voir l’étymologie reliquus, « qui reste ».), c’est le reliquat en quelque sorte. Et c’est là au final que c’est dommageable en effet, car ce qui va rester au final, c’est bien le nombre de likes accumulés. Avec un peu de chance, seront conservés les tweets ayant reçu le plus de likes. Du coup, au bout de plusieurs années,on pourra à nouveau aimer et faire aimer les tweets les plus likés.

Nos reliques seront alors surtout des relikes…

teasing : Mon roman steampunk. Hot & Steam. Chapitre 1 gratuit

Voilà bientôt trois mois que j’ai mis en ligne, Hot & Steam et quoi de mieux que d’offrir le chapitre 1 pour  donner envie (ou pas) de lire la suite… miniature hot et steamPour rappel, le roman se passe à l’ère victorienne dans le pur esprit steampunk avec des technologies improbables pour l’époque et une héroïne qui n’a bien évidemment peur de rien. Mais je vous laisse découvrir le premier chapitre…

1.     Lady V.

La grande horloge venait de sonner cinq fois dans l’après-midi alors qu’une pluie fine s’abattait sur la capitale britannique. Londres semblait sereine, quoique pas encore resplendissante, la faute à une grisaille tenace depuis plusieurs jours. Fort heureusement ; les conducteurs des nouvelles berlines à vapeur gardaient espoir et continuaient d’astiquer les chromes et les dorures de leurs véhicules à énergie avant-gardiste. Les pubs ne désemplissaient pas et les clubs de gentlemen permettaient de trouver un peu de chaleur commune malgré le temps maussade. Les Ravelry’s club of ladies, lieux de rendez-vous des amatrices de tricot et de crochet, connaissaient un succès grandissant au point que les hommes pouvaient désormais y être également admis. Un immense progrès pour la gent masculine assurément qui pouvait réaliser des chandails originaux et plus conformes à la nouvelle ère qui commençait. L’hiver n’allait pas tarder à arriver, les soirées se faisaient plus courtes, il fallait préparer l’arrivée de la saison froide, oublier un peu l’été. Cependant, la ville avait comme envie de quelque chose d’exaltant avant de rentrer dans la période hiémale. Tout était allé si vite en quelques années, les supercalculateurs, les motorisations innovantes, les nouveaux systèmes de communication. Tout le monde n’était pas encore prêt mentalement, comme si la fin de ce XIXe siècle avait connu une précipitation impossible à prévoir, comme si les technologies étaient apparues un siècle trop tôt. Beaucoup de personnes se sentaient de plus en plus dépassées et dépourvues face à cette révolution technologique, notamment un grand nombre de décideurs. Si les plus anciens habitants peinaient parfois à saisir les tenants et aboutissants de ces évolutions, d’autres au contraire y trouvaient leur plénitude et parvenaient à exprimer tout leur potentiel comme les personnages principaux de l’aventure que nous allons vous conter.

L’héroïne de cette histoire n’avait plus vingt ans depuis très peu de temps. C’est pourquoi l’aventure ne pouvait plus attendre. Lady V était lasse. Son lit était vraiment trop grand, elle manquait de compagnie. Son chemisier blanc ouvert laissait entrevoir une poitrine agréable à regarder au travers du laçage détendu. Ses longs cheveux bruns et ondulés tombaient de part et d’autre de ses épaules. Son pantalon court lui donnait un style de pirate. Une pirate toutefois soignée qui ne négligeait aucun détail de son apparence. On l’appelait Lady V. V était pour Victoria, mais le fait de porter le même nom que la reine lui déplaisait.

« Je m’ennuie de trop. Il me faut une aventure ou un homme rapidement, ou les deux, ce serait encore mieux ! »

« Je vais appeler Rémi pour qu’il me fasse venir mes nouveaux habits que j’ai essayés la semaine dernière chez ce nouveau tailleur, Armand de Saint-Simon. Il est charmant d’ailleurs, dommage qu’il ne préfère la compagnie des hommes, à ce qu’on dit. »

Elle décrocha son privaphone cuivré pour mander Rémi, son majordome. Les systèmes de communication téléphonique sur des réseaux privés étaient devenus la mode depuis que tout le monde se savait espionner par les services nationaux et les dispositifs privés des prestataires industriels. Lady V avait donc choisi de développer son propre réseau de communication. Tout d’abord au sein de sa propre demeure, puis en liaison avec les personnes de son entourage.

Rémi Valentin était le factotum de la maison. Ancien aide de camp de la défunte mère de Lady V, il était resté au service de sa fille afin de veiller à son éducation et de prêter attention à ce que des malandrins ne lui veuillent aucun mal. Rémi Valentin avait été de ceux qui avaient été contraints rapidement de s’adapter en vivant aux côtés des pionniers des nouveaux réseaux. Expert en arts martiaux, il était connu pour être une des meilleures lames d’Europe et peu osaient le défier en connaissance de cause. Désormais âgé d’une cinquantaine d’années, il était le chauffeur personnel de Lady V tandis que sa compagne Béatrice faisait office de cuisinière et de gouvernante de la demeure. Tous deux veillaient à ce que la jeune femme soit la plus heureuse possible.

Les prétendants étaient nombreux d’autant que la fortune de Lady V était immense, notamment du fait des inventions de son aïeule, qui avaient fait les beaux jours de l’industrie néo-industrielle. Les plus grandes firmes avaient acquis une partie de ses brevets pour pouvoir développer leurs projets ambitieux et devenir les fleurons mondiaux de cette nouvelle économie survenue très rapidement après celle de l’industrie lourde. Les réseaux de tuyaux parcouraient intégralement la cité, avec un système d’énergie offert par la puissance de la vapeur et des dispositifs communicationnels parallèles qui permettaient une circulation des news et des documents quasiment en temps réel. Certains n’hésitaient pas à avancer que l’information était devenue la nouvelle matière première de l’ère qui avait débuté vingt ans plus tôt. Seulement personne ne savait encore réellement ce qu’était véritablement l’information. Les dirigeants n’y comprenaient rien et tentaient tant bien que mal à retarder les échéances de la mutation notamment en se préparant à une guerre totale.

La demeure de Lady V . avait été une des premières à être équipée des nouvelles technologies et les tuyaux de cuivres avaient été parfaitement customisés pour s’intégrer de façon harmonieuse avec le reste de la décoration. Toutes les pièces avaient été raccordées aux systèmes énergétiques et communicationnels les plus modernes. Lady V. avait tout de même décidé de conserver l’ancien dispositif de pneumatiques pour communiquer plus facilement avec ses domestiques. C’était d’ailleurs le moyen qu’elle utilisait le plus souvent pour faire part de ses envies à Béatrice qui n’aimait guère les technologies récentes.

Béatrice avait de plus en plus de mal avec les frasques de Lady V, car elle faisait parfois courir des risques insensés à son époux. Mais elle savait que Rémi avait besoin de cette dose d’adrénaline pour pouvoir trouver un peu de bonheur dans l’existence. Rémi aimait tout particulièrement conduire le véhicule ultrarapide à moteur alternatif de Lady V, la Viper qui parvenait à se faufiler partout tout en bénéficiant de plus grand confort. Combien de fois, était-il arrivé juste à temps pour récupérer Lady V d’une impasse dans laquelle elle s’était mise. Mais elle était comme ça, insaisissable, goûtant chaque seconde la vie pour en puiser la quintessence.

Rémi lui fit donc porter sa nouvelle tenue spécialement conçue pour s’adapter à son écosystème informationnel et pour mieux mettre en valeur son esprit et la jeunesse de son corps. Il installa l’ensemble sur son valet de bois. Lady V devint alors rayonnante, exulta et sortit enfin de son lit. Sans la moindre gêne, elle ôta un à un ses vêtements devant Rémi qui visiblement fit mine d’être choqué, notamment car il savait que c’était toujours à ce moment-là que Béatrice se plaisait à venir. Ce fut une nouvelle fois évidemment le cas. La nudité de la demoiselle l’exaspérait, car elle trouvait ce comportement indigne d’une dame de haute estime. C’était aussi le moment où Rémi la rassurait et ne manquait pas de lui glisser un baiser comme preuve de leur amour vieux de plus de vingt ans.

Ignorant les réactions de ses serviteurs, Lady V commença tranquillement à se vêtir tout en annonçant :

« Ce soir, j’ai soif d’aventure. Je sors. Le jeune baron du réseau des étudiants pleins d’avenir m’a convié à sa soirée. Le Spiegelnet est le réseau sur lequel il faut absolument être et la soirée promet d’être riche en rencontres diverses et sera certainement l’occasion de pouvoir se lancer dans de nouvelles aventures. »

Lady V poursuivait son soliloque tout en commençant à se vêtir peu à peu. Quelques minutes plus tard, elle était prête. La femme qui se contemplait dans le miroir n’était pas de celle que l’on pouvait oublier. Un haut chapeau bordeaux aux laçages violets sur le devant couronnait sa tête et venait mettre en valeur une veste type queue-de-pie dans les mêmes tons que le chapeau avec un velours imperméable -temps pluvieux oblige – qui contrastait avec un laçage de satin violacé. La veste laissait toutefois entrevoir une chemise prune satinée dont le col ouvert permettait aux audacieux de jeter un regard sur le corsage. Cette attraction avait plus d’une fois nui à ceux qui avaient tenté de la combattre à l’épée. Perdant momentanément leur concentration, ils durent le regretter amèrement.

Lady V portait ce soir un pantalon de la même couleur que la veste avec de longues bottes remontant au-dessus du genou avec la reprise des mêmes laçages violacés. Nul doute, le créateur Armand l’avait sublimée avec cette nouvelle tenue. Elle était resplendissante, mais le nec plus ultra était à venir. Car Armand n’était pas seulement un excellent tailleur, c’était aussi un génie de l’habillage digital. Il était de ceux qui savaient à la perfection vous vêtir avec les meilleurs outils et tissus qui vous rendaient grâce. Lady V ajouta alors à son cou un petit médaillon d’argent qui dissimulait en fait une min-caméra haute technologie capable de la suivre dans ses moindres mouvements. La caméra était reliée à un central d’informations et de données situé dans le grenier de sa demeure. Grenier qui n’avait rien d’insalubre bien au contraire et qui était le lieu de résidence de son amie Dominique. Dominique était celle qui analysait les données transmises à partir des éléments recueillis pour en informer si possible en temps réel Lady V. Cette dernière était de ceux qui avaient fait le choix de changer de vie en quittant leur sexe originel. Officiellement connu sous le nom de Dominique Alain pour les spécialistes en intelligence digitale qui lisaient quotidiennement son carnet, Dominique vivait en réalité une existence totalement féminine et s’avérait une redoutable séductrice.

Fidèle alliée de Lady V, Dominique était toujours présente quand elle en avait besoin. Un retour de service depuis une rupture familiale un peu compliquée liée à sa situation transgenre qui déplaisait fortement à sa famille.

Une montre en or vint couvrir le poignet gracieux, mais finement musclé de la jeune femme. Cette montre dissimulait en fait un système qui analysait immédiatement la condition physiologique de celui qui l’a portait. Elle contenait également un émetteur qui permettait de la retrouver si besoin. C’était justement ce dispositif qui avait permis plus d’une fois à Rémi Valentin de venir la récupérer avec la Viper.

Dans la poche intérieure gauche de sa veste, elle déposa tranquillement son mundaneum, cette super bibliothèque digitale inventée par un idéaliste belge grâce à laquelle on pouvait accéder à toutes les connaissances disponibles. Le dispositif était couplé à un système de transmission qui lui permettait de communiquer par téléphone à distance sur des réseaux sécurisés.

Dernière pièce ultime, les lunettes. Lady V ne les portait pas tout le temps malgré une myopie grandissante. Elles étaient joliment décorées par des motifs floraux qui entouraient les verres correcteurs. Ces verres permettaient d’améliorer la vision de la réalité afin de disposer d’informations complémentaires qui étaient soit envoyées directement par des algorithmes puisant dans des bases de données publiques ou plus confidentielles. Dominique était maître dans le paramétrage des lunettes qui ne fonctionnaient que pour Lady V, qui n’avait alors besoin que de les chausser pour aussitôt déclencher l’ouverture des possibilités digitales. Qui d’autre voulait les porter n’y aurait vu que de banales lunettes de vue alors qu’il s’agissait d’un puissant élément informationnel et de communication.

Il ne manquait plus rien à Lady V pour être prête à sortir, ou plutôt si, un dernier élément dont elle ne se séparait que rarement : sa fidèle canne de décoration, noire ébène avec un pommeau doré surmonté d’une salamandre, le symbole de Lady V. Mais cette superbe canne était également une arme redoutable et dissimulait une épée qu’elle maniait à la perfection grâce aux leçons de Rémi Valentin.

Lady V s’admira une dernière fois dans son psyché. Une seule chose était sûre. Rien ne pourrait lui résister ce soir et tous finiraient par succomber.

Rémi Valentin ouvrit galamment la portière de la superbe voiture noire comme la nuit qui était aussi la plus rapide et la plus performante de l’époque. Construite par un physicien dont on n’avait plus trace actuellement suite à une tentative de télétransportation, elle avait été héritée par Lady V.

Elle s’installa dans le fauteuil confortable à l’arrière du véhicule tandis que Rémi prenait place dans l’habitacle de conduite. La voiture démarra en un quart de seconde, quelques minutes plus tard, Rémi Valentin déposait Lady V au sein de la demeure du baron dont les armoiries étaient symbolisées par une montagne de sucre.

 
Pour la suite, c’est ici.
 

L’information literacy tourne-t-elle en rond ?

Cela fait plusieurs années que je travaille et étudie autour du domaine de l’information literacy. Je ne pourrais pas être présent au colloque Ecil, même si je présente une communication avec Eloria Vigouroux-Zugasti sur la digital health literacy et le public des seniors. Le colloque doit porter théoriquement une vision européenne, mais il s’agit surtout d’une vision d’essence anglo-saxonne avec ses différents courants.
Le colloque rassemble plusieurs centaines d’acteurs mais rien ne change. Ce sont toujours les mêmes auteurs anglo-saxons que l’on retrouve depuis vingt ans avec l’influence de l’Unesco qui a porté la vision Media and Information Literacy. Le colloque est d’ailleurs sous l’égide de ces deux organisations.
Ce mouvement n’avance plus théoriquement depuis des années la faute à des visions stéréotypées et à une domination anglo-saxonne insolente qui en devient gênante y compris au niveau de l’IFLA où on a bien ressenti de la lassitude à ce niveau lors du dernier colloque, en témoignent quelques tweets durant le congrès de la part des collègues français.
On sait aussi que c’est au sein de ces logiques anglo-saxonnes que l’inspection générale de la documentation avait tenté de trouver des appuis pour la politique des learning centers.
Or, le seul moyen pour percer dans le domaine est d’écrire en anglais, d’écrire en anglais et encore d’écrire en anglais. Je sais que les seuls articles que j’ai écrits en anglais sont les seuls vraiment lus dans le domaine. Et pourtant, ce ne sont pas les meilleurs.
Il faut certainement penser à une autre voie, mais cela semble peu aisé, tant l’influence des modèles est totalement ancrée à l’international et que le choix de la Media and Information Literacy devenu EMI en France n’augure rien de bon si ce n’est de nouveaux enjeux de pouvoir qui place certains acteurs du domaine sur le devant de la scène.
Plus inquiétant, cela marque aussi une limite en ce qui concerne les organisations internationales qui perdent peu à peu en légitimité et qui bénéficient à ceux qui savent s’en servir au mieux.
Il reste cependant une piste, celle de faire renaître la Fédération Internationale de Documentation (la seule page wikipédia est en anglais), créée par Paul Otlet et dissoute en 2002 et de la construire sur des bases plus proches d’une logique d’un réseau distribué. Je promets d’y réfléchir cette année…

Fadben 2015 : la pêche !

Comme à chaque fois, c’est un plaisir de venir au congrès Fadben, même si les temporalités et ses exigences m’obligent à ne pas demeurer jusqu’au dernier jour. J’ai pu constater que le congrès s’est terminé de manière formidable avec une synthèse d’une très grande qualité d’Anne Cordier, qui publie d’ailleurs un ouvrage fort intéressant tant au niveau de la thématique que de la méthode.
La journée de samedi a été particulièrement riche avec de la qualité, du contenu et de la convivialité. L’ambiance était donc au beau fixe, et cela fait toujours du bien, car on vient aussi pour retrouver ses copains (notamment ceux du Gr-cdi) d’où l’ambiance conviviale qui y règne.  Merci à tous les organisateurs, à la nouvelle génération, à l’ancien aussi,  à tous les intervenants ainsi qu’à tous les participants qui ont permis le succès de cette édition.
L’absence de Séraphin Alava m’avait obligé à changer la perspective initiale au point de  devoir faire finalement une conférence.
J’avais choisi un angle original pour ma communication afin d’apporter paradoxalement un éclairage nouveau sur les enjeux  de formation tout en les inscrivant dans une perspective longue pour mieux pouvoir porter les fondements de la formation sur du long terme.
Je me suis donc appuyé sur deux concepts qui s’inscrivent dans la tradition documentaire
La documentalité, concept qui vous vient de Maurizio Ferraris et qui apporte un souffle nouveau sur l’importance clef du document. Je vous laisse en guise d’apéritif cette phrase :
« Depuis que quelqu’un a laissé l’empreinte de sa main sur les parois d’une grotte, notre être ensemble en tant qu’êtres humains ne peut laisser de côté les inscriptions. Voilà pourquoi la conjugaison virtuelle de « I Pad » et de « You Tube » se complète avec la première personne du pluriel « We.doc » : nous sommes essentiellement ce que nos documents affirment de nous, et c’est pour cette raison que l’extension « .doc » a envahi notre vie avec autant de force. C’est précisément sur cette extension qu’il convient de se concentrer désormais. » (pour le reste, vous pouvez déjà lire Âme et Ipad)
L’hyperdocumentation, concept ancien et donc moderne, car il est de Paul Otlet. Le concept qui montre que la documentation n’est pas ringarde, contrairement à ce que le plus gros d’un ringard a pu me dire une fois. Pour en savoir plus, vous n’avez qu’à vous emparer du traité de documentation de Paul Otlet !
Je reviendrai beaucoup plus en détail sur les deux concepts dans les prochains mois, pas nécessairement sur le blog d’ailleurs.
Au côté de ces deux concepts, j’en ai également mentionné un troisième : l’archéologie des médias. A ce propos, je vais préparer pour Intercdi un article sur le sujet avec une projection pédagogique potentielle. J’en ai commencé l’écriture hier dans le train.
J’ai également remis au premier plan la question de la maîtrise, mais en la réinterrogeant. En effet, la question de la maîtrise de l’information apparaît désormais désuète tant elle s’inscrivait dans une logique qui était celle d’une information organisée dans des bases de données. Il faut abandonner l’idée de tout maîtriser pour s’orienter vers une maîtrise plus modeste dans un sens où l’erreur est toujours possible mais également beaucoup plus ambitieuse tant les enseignements à connaître ne cessent de croître.
L’objectif étant notamment pour les professeurs-documentalistes de s’assumer comme maîtres face aux mètres et autres métries qui prennent la mesure de nos existences.
Vous retrouverez plus de détails dans les actes du congrès ainsi que dans le support utilisé. J’ai fait quelques petits clins d’œil à Vatefairecoter qui  sait toujours mettre l’ambiance à sa façon.
 
 
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À la recherche du lecteur attentionné

 
On fête les cinquante ans de la création du mot hypertexte. Il faut d’ailleurs bien distinguer le mot et le concept qui s’inscrit dans une histoire plus longue.
Oliver Ertzscheid rappelle que Ted Nelson a songé à développer l’idée du fait qu’il n’arrivait plus à suivre le cheminement incessant de ses idées. En quelque sorte, l’hypertexte est le résultat de ce qui pourrait être en apparence un déficit d’attention, mais il est préférable de considérer qu’il s’agit surtout d’une transattention. Une attention multisupports qu’il faut savoir gérer en ne perdant pas le fil, un fil qu’il m’arrive de plus en plus souvent de perdre en ce qui me concerne, vu les différentes tâches que je dois réaliser et qui requièrent une mise en attente pour être réinvesti dès que besoin. C’est tellement épuisant qu’effectivement, parfois je ne sais plus ce que je voulais faire alors que je l’avais décidé la seconde d’avant.
Seulement, même le lecteur peu occupé se retrouvera dans une situation similaire du fait d’une hyperstimulation médiatique qui le poussera à zapper, si bien qu’il sera peu aisé de le garder captif très longtemps dans l’espace du web. Pas certain que l’avenir du livre se dessine totalement dans l’univers du web, tout au moins le livre  tel que l’on a connu et le web  tel qu’on a pu le connaître également. Je plaide assez souvent en faveur de la liseuse car elle permet plus aisément de minorer les sollicitations répétées pour mieux se concentrer sur la lecture. Pour ma part, la lecture d’un livre est un moment privilégié (sur papier ou sur liseuse) car c’est justement un temps que je dédie à une lecture attentionnée. Cela ne m’empêche pas de rester dans la logique de la lecture hypertextuelle tant il s’agit de pouvoir faire des liens et prendre des notes si besoin.
Il reste la question de la lecture exigeante ou tout au moins complexe, qui oblige à un certain entraînement et à une capacité à exercer son esprit, pour tenter de saisir le sens ou d’en imaginer la portée. C’est ici que certaines craintes émergent. L’article de Télérama cite quelques analyses très pessimistes en la matière. Mais il est difficile de saisir l’avenir de la littérature, tant le sujet est soumis à des jugements de valeur. Ce qui apparaît le plus nettement, c’est qu’il devient de plus en plus difficile de vivre de son art. Les tirages annoncés par Télérama font froid dans le dos quand on constate que d’anciens prix Goncourt ne dépassent pas les 2 000 exemplaires…
À ce niveau, ce qui m’inquiète le plus désormais, c’est qu’outre les héritiers et autres rentiers qui pourront faire de la littérature un loisir appréciable, les auteurs français finiront par se raréfier vis-à-vis des auteurs en langue anglaise dont l’universalité de la langue permet de toucher un public plus vaste. Comment continuer à persévérer dans ce domaine, quand les temps d’écriture sont restreints du fait d’un travail prenant et que le peu de ventes réalisées oblige à des choix qui peuvent être celui de l’abandon. La force de vente du français est bien moindre que celle de l’anglais, environ dix fois moindre. Et ce n’est pas rien quand on sait finalement que 500 exemplaires vendus d’un ouvrage vous inciterait éventuellement à poursuivre tandis que 50 pourraient vous saper le moral.
 
On sait depuis fort longtemps que l’essentiel de la production éditoriale est réalisé par des auteurs qui ont une autre profession. Les rares auteurs qui s’en sortent sont des usines à best-sellers dont chaque sortie est accompagnée par une stratégie publicitaire qui en font un produit marchand, facile à consommer. Ce sont de produits marketing dont la qualité littéraire n’est pas exceptionnelle, mais sans être pour autant médiocre, ce que nous montrait Alexandre Geffen. Même les Arlequins ne sont pas à blâmer finalement. Ils ont autant de mérite que des Danielle Steel qui sont simplement mieux packagés pour être vendus plus chers. Car la question est bien économique. Peut-on continuer à vendre du livre aussi cher, comme une sorte de produit de luxe ? Comment peut-on se plaindre d’une diminution des lecteurs et vendre aussi cher un ouvrage ? Le modèle est désuet.
Il faut alors « vendre » de la lecture. Car de la lecture, il y en a, et il y en a beaucoup. Faut-il envisager de comptabiliser le nombre de pages lues comme le fait Amazon avec Kindle ? Au passage, on notera que cette métrie de lecture ne fonctionne que si vous êtes sur Kindle. Si vous transformez votre fichier pour le lire avec une autre liseuse, ça ne fonctionne pas. Au final, le plus gênant pour l’auteur est autant de ne pas vendre assez que de ne pas être lu véritablement. Mes statistiques sur mon dernier roman sont désespérantes sur ces deux points, enfin surtout sur celui des ventes qui sont totalement faméliques.
Vers le livre gratuit ?
Toutefois, Amazon ouvre des perspectives nouvelles sur un modèle qui va inévitablement vers la gratuité progressive du livre numérique au travers de systèmes d’abonnements ou de redevances. La fameuse licence libre n’a jamais si bien porté son nom que si elle concerne justement le livre. La licence livre, voilà sans doute le futur modèle avec un système de rémunération au téléchargement et au nombre de pages lues, voire de phrases… Cela peut sembler horrible à certains, mais ce découpement de l’œuvre apparaît comme un modèle alternatif intéressant. On rappellera aussi qu’Amazon est un des rares à proposer un système de rémunération pour les médiateurs et ceux qui recommandent les ouvrages Toutefois, la gratuité présente le risque bien connu qui est celui d’une faible reconnaissance puisqu’on ne l’achète pas. Pourtant, personne n’ose dire ça de la télévision notamment publique majoritairement gratuite… en dehors de la fameuse redevance. Redevance qu’on voudrait étendre à l’ensemble des supports actuellement.
Il est finalement étonnant que la France ait fait le choix de subventionner ainsi la télévision et par le biais de l’intermittence, les arts du spectacle, mais finalement peu l’écriture et la lecture sauf via les aides à la presse. Étrange système qui permet de fort bien payer des animateurs de spectacle télévisuels, des intermittents du spectacle bons comme mauvais, mais qui laissent des milliers d’auteurs avec des revenus qui ne sont que complémentaires ? Parmi les pistes proposées, celles du revenu universel ou celle d’envisager petit à petit des systèmes d’intermittences plus larges.
L’Amérique a développé son modèle depuis des années sur les industries du cinéma et de la télévision. La France voit peu à peu son modèle culturel s’effriter, se gangréner et laisser la place aux mêmes qui tiennent à leurs prébendes. C’est sans doute le moment de s’interroger sur le modèle que l’on souhaite désormais défendre, car sous peine de vouloir s’arcbouter sur les modèles du passé, il est inévitable que ce soit le modèle d’ailleurs et notamment des États-Unis qui s’imposera. Amazon propose un abonnement qui permet un téléchargement illimité sur certaines œuvres. Le retour financier pour les auteurs est moins intéressant que celui de la vente directe bien évidemment, mais cela mérite un plus ample examen. Publienet avait lancé une telle logique il y a déjà plusieurs années. Pourquoi ne pas envisager des modèles à la consommation ?
Alors, l’idée d’étendre la redevance peut-être une idée opportune à condition de repenser totalement le modèle culturel et audiovisuel notamment vis-à-vis de ceux qui comme moi, n’ont pas de télévision, mais qui sont abonnés à des dispositifs type netflix.
Clairement, c’est la question des lecteurs qui doit être posée. S’ils tendent à disparaître, c’est qu’on ne fait rien pour les satisfaire et qu’on ne leur donne pas les moyens d’accéder à une diversité de lectures. Plus le niveau de lecture sera médiocre en sixième, plus le nombre de lecteurs potentiels s’effondrera. À ce niveau, l’Education Nationale est coupable. Il serait préférable d’investir dans des liseuses que dans des tablettes. On ne peut que rappeler l’importance de rapprocher lecture-écriture à ce niveau d’ailleurs. Cette relation étant la condition sine qua non pour l’accès à la majorité de l’entendement dans le texte de Kant sur les Lumières.
C’est donc la recherche du lecteur attentionné qu’il faut désormais construire, mais aussi de manière plus large pour la francophonie et la culture en général. 50 ans après avoir inventé le terme d’hypertexte, c’est d’un nouveau Xanadu dont nous avons besoin.

Alpha-bet ou le monde des non-A

Coïncidence troublante, je viens d’achever la lecture du monde des non-a de Van Vogt durant cette semaine où Google a changé de corps pour devenir l’Alphabet.

On en a déjà beaucoup parlé, mais très vite sur twitter j’avais évoqué le fait qu’il s’agissait aussi d’une question spirituelle qui se trouve derrière ce changement et pas seulement un choix économique et stratégique qui consiste à prendre le pari de l’alpha. Contrôler l’alphabet permet d’envisager de multiples combinaisons et on retrouve l’esprit des sefiroth et des adeptes de la gématria. Au passage, cela rappelle qu’évoquer de façon plus nette les lettres ne signifie pas qu’il n’y a pas de logique de calculs derrière la nouvelle stratégie. Bien au contraire, on rassemble plus nettement les chiffres et les lettres. Google a fait de cette alliance son énergie vitale en développant un capitalisme linguistique.

Seulement, il apparaît que dans sa volonté de changer le monde, Google cherche à produire un nouveau modèle, voire une nouvelle théorie. On était resté depuis quelque temps sur une logique qui ne menait à rien, celle de considérer que l’accumulation de données permettrait de produire du sens en temps réel, mettant de côté les théories classiques pour produire une fin de la science, comme ultime progrès scientifique perpétuel.

Mais cela se révèle insuffisant, si ce n’est que le seul sens apparaît être celle d’une téléologie d’une forme d’immortalité spirituelle portée par le courant transhumaniste et notamment Kurzweil qui a recyclé les mythes du téléchargement déjà abordé par Moravec. Ce fantasme porté par la science-fiction et récemment par le cinéma, avec Transcendance et le film Rennaissances (que je n’ai d’ailleurs pas vu) semble aboutir à un risque d’échec. En grande partie, parce que l’immortalité de l’esprit (d’ailleurs discutable car elle constitue la lignée qui sépare trop nettement corps et esprit à l’inverse des préconisations de Varéla) ne se suffit pas en soi. Il faut une théorie supérieure.

Ici, dans le nouvel alphabet qui se met en place, se pose la question de savoir si cette théorie est d’essence scientifique ou religieuse, ce qui n’est pas toujours aisé à distinguer. Une des pistes se trouve peut-être dans la science-fiction et dans une théorie déjà ancienne : la sémantique générale qui a inspiré l’œuvre de Van Vogt.

Le monde des non-A, le lien vous rend sur Amazon, mais l’ouvrage est trouvable et téléchargable gratuitement dans les arcanes du web. Il suffit de bien maîtriser l’alphabet

Il faut être clair que la lecture du monde des non-a est difficile. On n’y comprend pas grand-chose et on est parfois tenté d’abandonner le projet de lecture. Malgré tout, la fin devient quelque peu prévisible et la version corrigée par Van Vogt avec sa postface apporte quelques éclaircissements. Le texte fait du héros Gilbert Goseyn, un personnage qui devient plus sain (go sane nous rappelle Van Vogt) en s’améliorant notamment en changeant de corps pour accéder à une forme d’immortalité permise par le fait que l’équation de base repose sur le fait que la mémoire est synonyme d’identité.

Le texte est en fait une vision fictionnelle du texte de Korzybski sur la sémantique générale. Korzybski est connu pour sa phrase : la carte n’est pas le territoire. C’est donc un rapport à la vérité qui est proposé qui vise justement à distinguer la représentation de la réalité. C’est aussi une logique qui aboutit à une forme de relativité.

Par conséquent, il faut tenter d’analyser le projet alphabet de façon non A (pas nécessairement de façon anti-aristotélicienne), mais d’une manière nouvelle. Si d’emblée, de façon pulsionnelle, on peut penser qu’il s’agit d’une simple manœuvre juridique et économique (ce qui n’est pas totalement à exclure), le projet réside sur une logique plus complexe à capter d’emblée, celle qui mêle Science and Sanity.

Google tente donc d’écrire une nouvelle théorie générale, une nouvelle organologie et l’organisation des lettres symbole aussi ces logiques combinatoires et cette volonté de classer. Le modèle de la bibliothèque n’est jamais loin. Il suffit de repenser à la classification du congrès qui repose sur l’alphabet. On notera d’ailleurs que c’est au moment où la bibliothèque de congrès réfléchit à son avenir, que Google lance au même moment sa mue. Je ne crois pas que ce soit une coïncidence.

Alphabet de la vie, 26 lettres de sang chantait Reggiani. L’alphabet est cette nouvelle théorie générale des existences et des connaissances qu’est en train de produire une équipe continuellement en quête de sens. La sémantique générale restait une théorie à poursuivre, il semble que certains s’en chargent actuellement. Clairement, si l’hypothèse que j’avance est proche du projet alphabétique, cela va m’obliger à proposer des analyses plus poussées d’autant que Kurzweil s’est également positionné sur la » literacy ». J’invite d’ailleurs les lecteurs éclairés à aller chercher les relations entre la sémantique générale (spécialistes bienvenus !), la SF de Van Vogt et les travaux sur l’esprit humain développés par Kurzweil et les disciples de la singularité.

Si l’esprit de Gilbert Goseyn semblait aller vers un esprit plus clair au fur et à mesure du roman, j’ai l’impression de devenir à l’inverse davantage « insane » en ce moment, mais en ce jour de l’assomption, on me pardonnera. Le monde des non-A a été traduit par Boris Vian, voilà de quoi nous faire replonger en plein surréalisme.

 

Parution de Hot et Steam

La période des vacances est propice à des publications moins sérieuses qui facilitent l’évasion. Je vous propose donc la lecture de mon nouveau roman, Hot et Steam que j’ai écrit l’été dernier pendant mes vacances dans les Pyrénées ariégeoises. Finalement, il m’a fallu un an pour finaliser le projet, pour trouver le temps de la relecture et des corrections. J’ai encore quelques travaux qui demeurent ainsi en suspens, mais j’ai jugé qu’il était temps pour hot et steam de sortir.
Le projet était simple : écrire un roman dans une ambiance steampunk avec une héroïne intrépide. L’histoire de base a donc été écrite en une quinzaine de jours l’année dernière. Les corrections se sont davantage étalées. L’ouvrage est disponible uniquement sous format numérique. De ce point de vue, je garde la lignée de mes publications précédentes sur Publienet. Je dois finaliser durant l’année universitaire, un nouveau roman qui évoque la puissance de la société Argos. J’espère y parvenir.
Bon, mais Hot et Steam, lors de quoi ça parle ? Voici le teaser :
Londres, à la toute fin de règne de Victoria, la jeune et intrépide Lady V. est en quête d’aventures et de romance. Alors qu’elle rêve de combattre des ennemis en chair et en os, elle est confrontée à un adversaire bien plus coriace : un démon qui semble bien décidé à éliminer toute la nouvelle société digitale présente à la soirée du célèbre baron, créateur du réseau social le plus en vue. Dans une atmosphère steampunk où les nouvelles technologies bouleversent la fin de l’ère victorienne, Lady. V tente d’éviter le pire pour profiter du meilleur. Meurtres étranges, personnages haut en couleur, fantômes malfaisants, inventions improbables, hot et steam est un cocktail explosif qui ne demande qu’à vous séduire.

couverture hot et steam
Mon dernier roman en mode steampunk

Il est disponible pour l’instant uniquement sur Amazon ( peut-être le démon de l’histoire finalement ?). C’est l’occasion pour moi de tester également l’autopublication et ses arcanes. Il devrait être disponible dans quelques mois sur d’autres plateformes. Cela me permettra en même temps d’étudier les ressors de ce mode de publication et des mécanismes de rétribution. J’en reparlerai probablement.
En fonction du succès ou du non succès, il y aura une suite ou pas. J’ai pleins d’idées potentielles, il me faut trouver le temps et la motivation pour le faire alors que j’ai beaucoup trop d’autres travaux d’écriture, notamment des articles à écrire et à réviser avant septembre, sans compter les projets qu’il faudra finaliser pour les déposer rapidement en octobre. Tout cela pour dire que les fenêtres pendant lesquels je peux totalement déconnecter du travail pour écrire de la fiction sont de plus en plus rares et de plus en plus restreintes.
Malgré tout, l’écriture de fiction est aussi un moyen pour moi d’exprimer différemment des points et des sujets qui me tiennent à cœur, et ce court roman s’inscrit dans cette lignée. Vous y retrouverez des réflexions actuelles simplement déplacées dans une atmosphère victorienne dopée aux réseaux cuivrées, aux énergies à vapeur dans lequel l’occulte se mêle au rationnel. Une véritable entreprise de rétro-archéologie des médias que permet plus aisément la fiction.  J’ai voulu réaliser une histoire courte, au rythme punchy, un peu à l’instar des Bob Morane où l’action se succède jusqu’à la chute finale. Un roman à énergie alternative qui permet de s’évader tout en incitant à quelques réflexions. Peu-être le début d’un nouveau style de littérature, tant l’idéal pour moi serait de produire des romans type Arlequin mais avec de quoi nourrir une réflexion et de sortir des archétypes genrés. De « l’évaréflexion » en quelque sorte.
Si vous ne savez pas vraiment ce qu’est le steampunk, je vous conseille la lecture de cet article que j’avais écrit à la même époque pour Intercdi. Finalement, le roman ne constitue que son pendant fictionnel.
Pour quelques euros, vous pouvez tenter de vous évader quelque peu.
 
 
 

Entre hyperstimulation et évanescence

Mes activités de blogging se font plus rares. Je n’ai guère le temps de développer des réflexions longues car elles s’opèrent de plus en plus ailleurs sur des formats plus longs. Le blog ou carnet de recherche s’inscrit dans une logique de teaser, d’alerte, de digest, de brouillon de réflexion. Il n’est pas une fin en soi car il appartient à un écosystème beaucoup plus vaste. Ce billet amorcé ne dérogera pas à la règle, en constituant une projection qui mérite de plus amples développements, mais qui ne doit sa source qu’à une envie d’écrire et de concrétiser un maelstrom d’idées fugaces.
Evidemment, il y a cet étrange manque de temps perpétuel qui ne cesse de croître au fur et à mesure des dynamiques de projet (c’est le plus stimulant), mais aussi en fonction des impératifs administratifs et  pédagogiques (la joie de faire des emplois du temps et autres évènements réguliers à l’IUT qui vous empêchent de déconnecter vraiment de votre lieu de travail).
Je crois d’ailleurs que l’erreur est de croire que ce sont les objets numériques qui sont les seuls coupables de notre relation à un travail qu’il devient difficile de déconnecter. C’est bien l’esprit qui ne peut plus faire autrement au point qu’une idée ou qu’un élément important peut surgir à tout moment, y compris en plein sommeil. Cela peut produire une forme d’épuisement et de limitation quand l’esprit n’est plus qu’un instrument d’une logique organisationnelle et institutionnelle. Alors, il convient d’aérer la machine avec d’autres velléités.
On peut certes s’éloigner du dispositif, une partie de votre cerveau travaille en arrière-plan au point de vous faire songer à tout élément clef à ne pas oublier, ce qui suppose au minimum que vous le mettiez dans la longue To Do list, tonneau des danaïdes, ou bien bien que vous tentiez de le réaliser dans la foulée.
Le paradoxe de cette stimulation permanente, qui est d’ailleurs une forme accompagnant la transattention que j’évoque ici et dont je parle également dans cet entretien, est que même si vous pensez être en train de déconnecter en lisant un bon roman… il n’est pas rare que l’envie de noter et d’annoter vous vienne et que vous continuez de tisser des liens avec d’autres activités.  Le web ne fait que mettre en avant cette activité réticulaire. Il n’est qu’un révélateur de notre envie de lier.
L’hyperstimulation dopée à la transattention devient une capacité de réaction réfléchie qui consiste à tisser des liens, à collecter, à faire des relations enrichies.  Le spider ou le bot, c’est nous, ce n’est pas celui de Google qui n’est qu’une puce qui saute de liens en liens sans que ces liens soient clairement qualifiés, mais davantage quantifiés. Voilà pourquoi j’avais évoqué l’idée d’être des ichnologues de filagrammes numériques.
On ne cesse de vouloir porter nos espoirs sur d’hypothétiques intelligences artificielles et algorithmes miraculeux. Mais tout cela est vain sans une expansion de l’esprit humain qui puisse s’exprimer et donc rêver aux possibles mais aussi à l’improbable. Je rejoins Stiegler (dans son ouvrage la société automatique) en ce qui concerne l’importance du rêve et le fait que l’idée de pouvoir quelque part indexer nos activités cérébrales (on s’approche de la dystopie de Print Brain technology) ne peut que constituer un appauvrissement du rêve :
Et, en effet, un article de Science décrivait en mai 2013 sous le titre « Neural Decoding of Visual Imagery During Sleep » une technologie de traçabilité des rêves, qui repose là encore sur un machine-learning prédictif dont il y a tout lieu de penser qu’il vide le rêve de ce qui constitue son pouvoir même : ce qui est prédictible d’un rêve dans de telles conditions (si cela l’est en effet) ne peut être que ce qui en constitue l’étoffe automatique.
Or, ce en quoi consiste le rêve, ce par quoi il peut nourrir la projection à venir d’une quelconque consistance par où ce rêve pourrait œuvrer, c’est-à-dire penser, c’est précisément ce qui en est non seulement imprédictible, mais tout à fait improbable, et en cela rigoureusement le fruit d’une désautomatisation – dont le nom est aussi, en grec, épokhè.
Méditer sans traces devient évanescent, disait Mallarmé, montrant ainsi que sans transformation documentaire, il n’y a rien de vraiment probant. Pour autant, il faut accepter pleinement cette évanescence, ce terreau de l’homme aux mille visages, cette fiction potentielle et quantique qui  est celle de nos désirs, du moteur de nos vies. Il faut donc plaider pour le maintien de cette évanescence sous peine d’opérer une réduction de nos vies intérieures et de produire une documentalité sans intention, c’est-à-dire la mise à jour et sous forme de traces et de données de notre intime sous peine de placer notre désir de vivre et de réfléchir en détention. Car l’intentionnalité doit être exprimée, elle ne peut être envisagée par probabilité, sous peine de commettre une forme de viol spirituel. Le probable n’est pas le probant. C’est pourquoi une des pistes d’échappatoire est aussi celle du hors-sujet.
Or, c’est bien cette mise en suspension de l’épokhè qu’il s’agit de défendre, notre faculté de jugement mais aussi notre folie qui est justement la source de notre capacité à raisonner. (à suivre …)