Face au négationnisme documentaire ?

Les récents propos d’un recteur de Lille rapporté sur les listes professionnelles des documentalistes ne font que nous rappeler sans cesse l’importance du travail sur les représentations qu’il reste à faire :
Il n’est pas choquant de voir des collègues affectés dans ces fonctions. La documentation n’est pas une discipline …. au sens universitaire, il n’y a pas de recherches en documentation. Toute personne est capable de faire fonctionner un CDI. Ces enseignants ne sont certes pas des documentalistes mais ils sont capables de mettre en place des actions et d’organiser ce lieu.
Outre le fait que ces propos relèvent de fortes ignorances, il convient évidemment de réagir mais surtout de comprendre.
Le plus gênant, ce n’est pas seulement le reniement du capes de documentation, c’est le refus de caractère scientifique de la documentation et au travers elles des sciences de l’information et de la communication.
Au final, il en ressort toujours une difficulté à comprendre la documentation et derrière elle la notion de document et ses multiples potentialités : archéologiques et historiques, éducatifs et sa valeur d’établissement de preuve (juridique)
Que de telles déclarations viennent du plus haut de l’institution ne peut qu’accentuer le décalage qui au final fait que nous n’avons plus confiance en nos hiérarchies parce qu’elles sont décalées et que leur management est clairement hors-jeu. Ne nous étonnons donc pas de tels propos qui souvent ne font que refléter des pensées clairement datées et qui n’ont pas su évoluer…mais qui sont fortement partagées. Finalement ce recteur n’est pas le seul à penser ainsi.
Tout cela résulte d’une idéologie informationnelle dont il semble difficile de se départir et  qui explique le succès des théories de la société de l’information.
Ces dernières placent notamment la matière « information » comme devenant primordiale et remplaçant la matière première des sociétés industrielles si nous suivons les analyses de Daniel Bell et celles de Manuel Castells. Au final, en parallèle des travaux de recherche et des travaux de mise en place de la documentation que Sylvie Fayet-Scribe avait analysé en notant l’émergence d’une culture de l’information notamment durant la période où exerçait Paul Otlet, se développe une autre culture de l’information : celle dont les proximités avec les théories de la société de l’information sont évidentes. Cette autre culture de l’information s’inscrit dans une lignée prétendue non-idéologique et s’est développée, selon Eric Segal qui a étudié l’histoire de la notion d’information, à partir d’un terreau formé notamment par la théorie du signal de Shannon et par les interprétations des travaux de Norbert Wiener. Il en résulte une pensée de l’information qui ne prend pas en compte sa dimension sociale et qui oublie les processus de normes et de formes à l’œuvre dans l’information et la documentation.
Peut-on  alors reprocher à un recteur de ne pas saisir ce que c’est que la documentation quand beaucoup de  discours politiques et médiatiques reposent sur ces visions? Quelque part, la document souffre de ces divisions entre nature et culture, entre sciences dures et sciences molles, entre méthodes classiques d’apprentissage et nouvelles méthodes. Elle est pleinement au cœur de ces tensions et ces héritages mal assumés qui empêchent le succès de sa transmission et la mise en place d’une culture de l’information et de la communication.
Le négationnisme documentaire n’est qu’une conséquence d’une idéologie qui en voulant trop montrer les défauts des processus a fini par être victime de sa propre idéologie. Le dernier ’article de Francis Fukuyama explique bien les causes de ce processus dérégulateur. Cette volonté de sans cesse faire table rase démontre une incapacité de prêter attention, de prendre soin de l’autre, une incapacité de penser cela, de s’inscrire dans des processus plus longs, celui des constructions. C’est donc hélas sans surprise que certains parlent actuellement de la mort d’un web 2.0 dont le rasoir d’Ockham nous aurait dit qu’il n’a jamais existé. Tout cela ne fait que démontrer la nécessité de la documentation à la fois comme champ de recherche et enseignement au travers de la recherche de stabilités qui permettent de générer de nouvelles potentialités permettant les individuations psychiques et collectives ainsi que techniques. Mettre en avant des stabilités permet d’anticiper et d’être acteurs de changements éventuels, evidemment cela relève de pensées plus complexes que celles qui circulent sur d’hypothétiques autoroutes de l’information.
Pour conclure, il faut vraiment que ce recteur vienne au colloque de l’Erté sur la culture informationnelle…cela tombe bien cela se déroule justement dans son académie.

Ouverture de lilit et circé

J’ai décidé d’ouvrir la plateforme lilit et circé. Il y figure notamment un cours pour les sixièmes en information-documentation. Il n’est pas exhaustif mais vous pourrez y trouver des idées et des supports de séance. J’ai utilisé ce cours après les vacances de Noël, ayant beaucoup travaillé auparavant sur des documents papiers et de manière débranchée.  Le cours est directement accessible ici.
Servez-vous donc sans hésitez car je pense ne pas garder cet espace et je vais sans doute le fermer. Je serai par contre enchanté s’il y avait une tentative de reprise institutionnelle notamment par le CRDP  ou l’IUFM mais une initiative d’un groupe de documentalistes motivés pourraient convenir. D’autant qu’il pourrait être envisagé une mutualisation dans la construction d’une progression et d’un curriculum.
C’est l’objectif du cours d’ailleurs de proposer un travail progressif et individualisé.
Mode d’emploi :
Les modules ne s’affichent qu’une fois le cours donné en présentiel.  Ici, j’ai laissé tous les modules affichés, l’idéal est donc de les dévoiler au fur et à mesure de la progression. Il ne faut donc pas en principe que les élèves accèdent au document bilan avant le cours ce qui casserait la démarche didactique. Je préfère le préciser car si cela me parait évident, il m’a été conseillé de bien le faire souligner.
J’utilise une plateforme de cours en ligne nommée claroline mais moodle est tout aussi bien.  Ce sont des solutions que vous pouvez télécharger librement par ailleurs. Il faut un hébergement et au moins une base sql. Ce n’est pas très compliqué.
Pour ma part, j’ai utilisé la plateforme aussi bien durant le cours qu’en demandant à mes élèves de s’y connecter en dehors du cours, souvent d’ailleurs au CDI durant les permanences. Quelques élèves ont bien accroché au principe et ont travaillé et révisé leurs cours chez eux.
Le travail n’est évidemment pas parfait mais je n’aurais pas le temps de l’améliorer cette année et peut-être encore moins les années suivantes. Par conséquent, je vous livre cela tel quel en espérant qu’il puisse y avoir des prolongements. Tout est modifiable à l’envi y compris les cours en pdf.
Désormais, c’est à vous de faire avancer la didactique de l’information.

Historiae cherche repreneur.

Mes diverses activités ne me permettent plus d’être sur tous les fronts d’autant que des changements se profilent à la rentrée. Par conséquent, je ne pourrais continuer le projet historiae. que j’avais mené cette année avec des élèves de troisième. Je continue d’assumer l’hébergement et le support technique.
Il n’y a rien donc à faire que de poursuivre l’aventure avec des élèves. Le site a reçu 7000 visites depuis sa création et a été cité à plusieurs reprises notamment le café pédagogique et Mario Asselin. Le projet a également été sélectionné pour le forum des enseignants innovants même si ce dernier peut-être critiqué du fait de sponsoring de Microsoft.
Il est possible d’envisager que plusieurs projets puissent se greffer dessus durant l’année.
L’idéal serait de continuer sur la thématique des mystères historiques et d’utiliser le cours en ligne associé.
Les intérêts pédagogiques sont nombreux d’autant que si le projet devient inter-établissements.
Le projet peut se dérouler durant des séances, des projets voire des ateliers. Pensez-y !

Bienvenue aux nouveaux !

Les oraux du capes de documentation se sont achevés et les résultats sont en ligne depuis mercredi sur publinet.
Bravo aux nouveaux arrivants dans la profession et bon courage à ceux qui ont raté mais qui demeurent motivés par le métier. Bravo aussi aux candidats-blogueurs (tibouline , blogonoisettes, l’oeil ouvert, mali au cdi et d’autres que j’oublie) qui sont également les bienvenu(e)s dans les projets du style cactus acide.
Pour ma part, ce fut ma première présence dans un jury de capes et ce fut une expérience enrichissante. Je reviendrai certainement sur quelques conseils à donner aux candidats. Les jurys sont en général plutôt sympathiques ce que j’avais déjà remarqué lorsque j’étais moi-même candidat.
En tant que jury, on doit se souvenir que l’on est également passé par le même chemin et pas toujours de manière si glorieuse d’ailleurs. Il s’agit aussi d’une remise en cause nécessaire sur ses connaissances et ses savoirs et cela permet de demeurer dans une logique de veille permanente.
Car c’est bien l’enjeu de la profession de devoir sans cesse se remettre en cause et continuer à se former. Le capes n’est qu’un ticket d’entrée, nullement un laisser-passer perpétuel qui fait de vous un professeur sacrosaint ou omniscient. Désormais, il va vous falloir encore apprendre et travailler.
J’encourage les nouveaux arrivants à s’inscrire dans des démarches collectives de mutualisation en tous genres et notamment de participer à la didactique de l’information au travers de la constitution de séances et tout autres stratégies pédagogiques. Evitons aussi la dispersion au travers de la kyrielle de blogs personnels et autres univers netvibes. Il y a sans doute plus intérêt à regrouper nos forces autour de projets communs institutionnels ou collaboratifs. De la même manière, ne gardez pas vos séances ou vos articles dans vos tiroires. Il est également souhaitable d’ utiliser l’intelligence collaborative et proposer des documents qui peuvent se constituer via les wikis. Il reste beaucoup de  chantiers à poursuivre.
Mais avant, il faut profiter de vos vacances.

La culture du boustrophédon

Je mets en ligne, le texte de mon intervention de la journée des professeurs-documentalistes de l’Académie de Lyon.
Je remercie encore une fois les organisateurs pour leur invitation. J’espère que le texte permettra d’éclaircir quelques points d’une intervention sans doute trop brève.

 

Tice, socle commun et professeurs-documentalistes :

Mettre en place la culture du boustrophédon pour une meilleure gestion de la progression via de nouveaux outils et de nouvelles stratégies.

 

Introduction :

Le boustrophédon désigne étymologiquement le trajet des bœufs lors du labour marquant les sillons dans les champs de droite à gauche puis de gauche à droite. Par extension, le boustrophédon désignait une écriture qui ne revenait pas à la ligne. Le sens actuel est proche celui d’un palindrome. (ex : le mot port se lit trop en sens inverse)

 

Ce qui m’intéresse dans l’idée de la culture du boustrophédon c’est l’idée de cheminement permettant une mesure du parcours accompli mais qui constitue une progression ouvrant un passage inédit. Un moyen d’échapper à l’âge de la vitesse et d’illustrer la fameuse phrase de René Char « le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » cité d’ailleurs par Hannah Arendt dans la crise de la culture. C’est aussi l’idée de la trace permettant la mesure de la faculté à progresser. C’est d’ailleurs cette dernière qui mériterait d’être évaluée et pas seulement une mesure effectuée durant un contrôle lambda qui ne s’inscrit pas dans une réelle progression.

 

Mon intervention porte plus particulièrement sur les Tice et la première remarque que je souhaiterais effectuer c’est que les TICE ne peuvent concerner uniquement que le domaine 4 du socle. Une nouvelle fois le socle commun court le même risque que les TICE et le B2I : une mise en place à la marge. Un autre risque menace également celui de la dissolution au sein des programmes des disciplines. Un risque que les professeurs documentalistes connaissent bien.

 

 

1. Des enjeux culturels.

Par conséquent, le socle commun doit se distinguer au niveau des Tice mais pas seulement de la culture adolescente et ne pas reproduire les effets de superficialité et de survol que l’on rencontre dans le B2I. Chez les adolescents l’usage ludique des technologies prime sur l’usage pédagogique sans compter que l’innovation est peu fréquente si on songe au mimétisme “débilisant” des skyblogs.

 

Il ne s’agit pas de demeurer dans la simple validation mais bel et bien de démontrer les possibilités pédagogiques des TICE face à la montée en puissance des phénomènes du web 2.0 avec notamment le passage de l’autorité à la popularité ainsi que la montée en puissance de la culture du pitre c’est-à-dire de la culture de la vidéo drôle ou qu’il faut absolument avoir vu et qui se transmet de manière virale. C’est bien d’une réflexion pédagogique et didactique avec les TICE dont on a besoin et ce afin que le socle commun soit le garant de la transmission des plusieurs cultures et notamment trois cultures auxquels le B2I a fini par faire obstacle (Un B2I symptomatique d’un système scolaire qui connaît d’importants dysfonctionnements) :

 

La culture informatique

La culture technique.

La culture informationnelle dans une définition élargie. En ce qui concerne cette dernière, il faut dorénavant élargir ses ambitions en en faisant une culture de l’information et de la communication prenant en compte l’éducation aux médias mais aussi ce que les américains nomment la participatory culture, la culture de participation faisant référence aux outil du web 2.0.

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2. Pas d’évaluation sans formation.

Cela nécessite non pas une simple validation mais une évaluation qui soit une mise en valeur de la progression. De la même manière, cette « évaluation-mise en valeur » ne peut être séparée de la formation. Une formation nécessaire car les digital natives n’existent pas vraiment. Je le constate tous les jours, il y a une forte confusion entre l’attrait, les habitudes et la réelle maîtrise.

 

Cette formation peut prendre différents aspects et qui n’inclut pas nécessairement des cours magistraux. Le repli disciplinaire dont sont parfois accusés certains didacticiens de l’information est une mauvaise analyse Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un repli mais d’une avancée qui s’avère d’ailleurs plutôt innovatrice dans ces méthodes, puisque la didactique vise à concevoir des séquences permettant aux élèves de construire des savoirs info-documentaires dans des situations actives. Aujourd’hui, un certain nombre de notions sont stabilisées et mériteraient d’être enseignées. Nous pouvons ainsi citer quelques notions primordiales dont le travail de définition a été effectué par Pascal Duplessis et Ivana Ballarini notamment :

n Interfaces de navigation

n Site Web

n Page web

n Structuration d’un site web

n Décodage d’une page d’accueil

n Sélection de l’information

n Adresse URL

n Navigation hypertextuelle

n Navigation arborescente

n Mot-clé

n Menu contextuel

n Navigation dans un document

n Recherche d’information

Mais aussi des notions clefs comme celles d’auteur, de document et de source.

Les situations didactiques à aménager, loin d’être déconnectées ou trop abstraites correspondent en effet à des situations problèmes, à une pédagogie du défi. Le projet historiae est d’ailleurs un exemple de ces nouvelles stratégies didactiques qui peuvent être mises en place.

Des notions et des savoirs me semblent désormais primordiaux et ne peuvent continuer à être évoqués à la marge. Ces notions me semblent probablement plus utiles que certaines parties du programme émanant de disciplines classiques. Le socle commun ne peut se mettre en place selon moi sans un new deal disciplinaire. Former c’est aussi re-former voire ré-former et notamment sortir de la fracture littéraire/sciences dures.

 

 

3. Veiller sur les traces

Les outils du web 2.0 tardent à être pleinement utilisés dans l’Education Nationale. D’autre part, il me semble qu’encore une fois, c’est une logique d’adaptation qui prédomine et nullement une volonté proactive de mettre en place des stratégies pédagogiques. Pourtant, il y a urgence à s’emparer des possibilités qui s’offrent à nous mais néanmoins derrière l’apparente simplicité il faut être capable de songer à (ou penser la) la complexité. Il s’agit pour cela de veiller, de prendre soin de l’élève et de mesurer sa progression. Mais cela ne peut se faire qu’au travers de la construction de scenarii pédagogiques, de parcours permettant l’acquisition de savoirs et de compétences et pas seulement d’ailleurs en infodoc.

 

Les portfolios, les blogs, les plateformes d’e-learning et autres wikis permettent une meilleure gestion de la trace et donc de la progression de l’élève. Cela permet une pédagogie davantage différentiée et individualisée et plus motivante. Evidemment cela ne peut être sans incidence sur le fonctionnement actuel toujours basé sur la logique de la captivité. Il s’agit donc de permettre à l’élève de garder en ligne ses travaux, ses cours mais aussi les exercices avec un suivi plus fin et plus précis de la part de l’enseignant. (projet lilit et circé)

(image issue du projet lilit et circé sur lequel je reviendrais bientôt)

 

 

Conclusion :

Il semble malgré tout que certains discours politiques et commerciaux pèsent sur l’Ecole et les termes de « société de l’information », de « digital natives », de « culture numérique », voire le dernier rapport de la commission « syntec », tout cela contribue à un mélange qui pousse encore une fois à ne voir que le problème matériel, certes existant mais nullement primordial désormais. Pourtant tous les spécialistes mondiaux du domaine constatent bien que le problème est ailleurs et qu’il s’agit plutôt d’un problème de littératie, autrement dit de culture. Et cela ne peut se faire avec une simple connexion matérielle. Pour revenir au boustrophédon, ne mettons pas la charrue avant les bœufs.

 

 

De l’innovation à la poursuite didactique

Un week end chargé s’annonce pour moi en perspective avec en premier lieu ma participation demain pour le forum des enseignants innovants avec la sélection du projet historiae. Une manière de démontrer que les professeurs-documentalistes demeurent des enseignants et que leur dimension technique ne présente pas un désavantage ou un fardeau mais au contraire la démonstration qu’il ne peut y avoir de transmission sans objet ou support technique. Une autre manière de démontrer que la culture informationnelle comprend sans aucun doute la culture technique développée par Gilbert Simondon.
Bref une stratégie qui n’a rien à voir avec une politique documentaire ou la mise en place d’objets administratifs tel le B2I aux compétences peu claires, impossible à mesurer voire démesurées. Or la démesure y compris dans son versant hybris est l’opposé de la culture de l’information. Mes élèves de troisième sont un peu en panique en ce moment et je fais beaucoup de validations à la volée, incluant de temps en temps des mini-cours visant à compenser une absence de réelle formation. A l’heure où j’écris une cinquantaine de demande de validations d’Items m’attendent. Je me suis juré que c’est la dernière fois que je participe à cette masquarade à laquelle je me prête pour ne pas pénaliser les élèves.
A la suite du forum, je me rendrai donc au congrès Fadben où il s’agira de parler de culture de l’information, de didactique et de montrer que les professeurs-documentalistes sont concernés et le sont sans doute de plus en plus. Mon propos portera sur une réflexion par rapport aux nouveaux outils et aux nouvelles générations qui ne sont pas vraiment des digital natives. La poursuite didactique s’annonce afin que demeure un esprit documentaire, a ghost in the shell, une culture de l’information.
Je joints ci-dessous les supports pour ces deux interventions :

Les profs-docs sont remontés

Une sélection de réactions des « non-concernés » :
Vous pouvez retrouver sur le site de Pascal Duplessis, sa réaction mais aussi celles d’Isabelle Fructus et d’agnès Montaigne et sans doute d’autres à venir.
– La mienne sur le guide des égarés et les commentaires.
– celles de Marie Pontoizeau (intéressant pour ceux qui passent le concours) et ses commentaires sur les réactions citées plus haut.
– Celle de Noël Uguen.
Le billet commun sur savoirscdi
Et sans doute d’autres encore notamment sur les listes de diffusion.

Christophe Bourseiller alias Francis Ceze dans PROFS de Patrick Schulmann. (1985)

Le syndrome Samsa : les « non concernés » et le risque pédagogique.

Je prolonge ici la réflexion de Pascal Duplessis qui tire la sonnette d’alarme suite à la parution du propos d’ouverture à la réunion des interlocuteurs académiques de documentation de M. Durpaire, IGEN et président du jury du CAPES interne apportant quelques précisions sur l’interprétation pour le cas des professeurs-documentalistes du Cahier des charges de la formation des maîtres en IUFM. Désormais les professeurs-documentalistes seraient « non concernés » par tout un tas d’activités d’enseignement et devraient perdre de plus en plus leur aspect de professeur pour se contenter du seul aspect professionnel de documentaliste.

Une fois de plus, voilà qui rejoint les craintes que j’avais déjà formulées lors de la journée des professeurs-documentalistes de l’Académie de Paris en parlant du « syndrome Samsa ». A force de vouloir nous transformer en simple documentaliste, c’est tout simplement notre disparition qui est programmée. Notre dimension pédagogique effacée, il serait alors simple de nous balayer tels de gros cancrelats asséchés à l’instar du héros de Kakfa. Pour ma part, je n’ai guère envie de subir le sort de Grégoire Samsa. Car ce n’est pas seulement une profession qui serait menacée mais bel et bien l’éducation à l’information et la culture de l’information.

La complexité et la confusion.

Prôner la mise en place d’un système d’information peut sembler séduisant mais outre que ce n’est pas suffisant, cela repose souvent sur des confusions, des imprécisions et des mélanges. Un professeur-documentaliste n’est pas un bibliothécaire et encore moins un documentaliste travaillant dans une entreprise. Chaque profession a ses spécificités et ses richesses. Il ne s’agit pas de confondre association, partenariats, éléments culturels communs et…fusion. J’ai travaillé en bibliothèque municipale et universitaire et ce n’est pas le même métier. Evidemment que nous avons des terrains communs, des techniques communes ainsi que des réseaux qui s’entrecoupent. Il m’arrive ainsi fréquemment de former des personnels de bibliothèque. Notre association s’explique par les mutations actuelles autour du document et de l’univers informationnel. Il est logique que nous travaillions parfois de pair. Mais pour autant, association ne signifie pas fusion même si certains aimeraient sans doute y voir une source d’économie. Par conséquent, l’idée de vouloir calquer la politique documentaire à un établissement me semble relever d’une erreur d’analyse. Outre que la politique documentaire n’est pas toujours clairement définie dans certaines bibliothèques, elle n’a pas lieu d’être en établissement en tout cas de manière autonome. Tout d’abord il conviendrait de parler plutôt de stratégie documentaire, moins lourd sur le plan sémantique car la politique documentaire suppose non pas l’établissement mais un territoire beaucoup plus large. On peut dire qu’un établissement s’inscrit dans une politique documentaire si on travaille dans un autre échelon notamment régional car il s’agit dès lors bien plus d’intelligence territoriale. Or, l’enjeu actuel ce n’est pas pour les élèves l’intelligence territoriale, mais bel et bien l’intelligence informationnelle et personnelle.
Les techniques documentaires évoluent et il est évident que les professeurs-documentalistes doivent être davantage formés à ces évolutions à la fois en accédant un niveau de connaissances techniques de ces outils mais en ayant une pratique avancée- qui leur permette d’ailleurs un gain de temps dans la gestion documentaire- et qui surtout leur permettent une meilleure compréhension de l’environnement informationnel. Et c’est là que se trouvent leurs spécificités : la capacité à expliquer, à faire émerger des notions et des compétences qui pourront être transmises aux élèves. Il ne s’agit donc pas de former seulement les élèves à de la recherche procédurale sur une base de données mais bel et bien d’aller plus loin. Notre rapport aux sources ne concerne donc pas seulement leur accès mais bel et bien leur compréhension.

Quid de la culture de l’information ? A quoi bon écouter les discours politiques de la société de l’information, si ce n’est pour sans cesse renvoyer la culture de l’information aux oubliettes en privilégiant l’aspect technique et ce de manière superficielle. Or actuellement il se développe une tératogenèse documentaire, autant passionnante que complexe et qui de mieux placés pour former les futures générations que des hybrides comme les professeurs-documentalistes ? Une nouvelle fois, il s’agit d’envisager l’avenir et de cesser de se tourner vers des mythes éducatifs. Les professeurs-documentalistes ne sont pas contre une évolution du système scolaire, au contraire ils cherchent à imaginer d’autres formes de transmissions qui ne soient pas seulement magistrales. C’est peut-être parce qu’au sein de la profession se trouvent des vecteurs de changements que l’on cherche à les museler. Je travaille ainsi actuellement sur un dispositif de cours en ligne, pouvant constituer autant un prolongement de cours en présentiel que de support durant les séances : le projet Lilit & Circé que j’utilise déjà avec mes sixièmes et que je devrais rendre public bientôt. Reste à savoir si genre de dispositifs constitue un risque pédagogique…

Finalement, je ne regrette pas ma sélection au Forum des enseignants innovants pour le projet historiae, même si certains peuvent déplorer la présence de Microsoft comme sponsor et dans la conception du site de l’évènement. Cela aura moins le mérite de démontrer que les professeurs-documentalistes sont des enseignants et que de surcroit ils peuvent être innovants.

Le débat est en cours et sera sans doute actif lors du congrès des « non concernés »

mise à jour du 16 mars : J’ai fait une erreur, le héros de Kakfa est Samsa et non Samska. Merci à Ghislain et Pascal de me l’avoir signalé. L’erreur est rectifiée.

Mythologie documentaire et informationnelle sur le blog des 3 couronnes

Une fois n’est pas coutume, je blogue ailleurs que sur le guide des égarés. Après, mon article sur le blog des Urfist, j’ai l’honneur de m’exprimer sur le blog de Pascal Duplessis.  L’objectif était aussi d’écrire un article qui réunissent deux passions de Pascal : la mythologie et la didactique de l’information.
Le chapeau de l’article :
« L’entreprise didactique ne peut fonder son succès sur les seules pistes scientifiques et épistémologiques. Le propos de cet article est de mettre en place parallèlement un projet mythologique.  »
Si vous voulez lire, la suite c’est par ici.

Didactique : le retour des docs de choc

Agnes Montaigne et Françoise Chapron publient sur le site de l’iufm de l’Académie de Rouen, un article incontournable pour les professeurs-documentalistes qui mènent des actions didactiques et intitulé :
Le chantier de la didactique info-documentaire dans le camp des professeurs documentalistes.
L’article est commenté par Pascal Duplessis qui a intitulé sa réaction : (re()prendre en main notre devenir.
Ces deux articles font le point sur la situation des professeurs-documentalistes et sur les chantiers à investir entre les contenus à enseigner, les stratégies à mettre en place et les divers obstacles. Dans les deux cas, on retrouve une volonté offensive qui s’appuient sur les travaux de recherche et d’expérimentations pédagogiques et didactiques de quelques groupes de travail (notamment au sein des Académies de Rouen et de Nantes)
Françoise Chapron et Agnès Montaigne font état de la nécessité que : « (…)’d’ores et déjà les professeurs documentalistes mettent en place des situations propres à favoriser ces découvertes par les élèves et à les mettre réellement en activité. La mise en activité ne se résume pas à faire faire des exercices, ni à amener les élèves à circuler dans le CDI. Elle suppose que l’élève devienne acteur et fasse preuve d’invention et d’autonomie. Des situations de ce type ont été largement décrites dans le monde de la didactique des sciences sous le nom de « démarches d’investigations » ou « situations problèmes ». Il s’agit de mettre les élèves devant un problème ouvert qui n’a rien à voir avec les problèmes tels que nous les connaissions en mathématiques ou en physique, et de les amener à formuler des hypothèses explicatives ou à définir des protocoles à mettre en œuvre. »
Nous sommes pleinement d’accord sur ce point, sur la nécessité d’une pédagogie du défi et que la situation rencontrée ne soit pas artificielle. Le projet historiae s’inscrit dans cette lignée.
En ce qui concerne le terme de camp qui implique une volonté de défense des acquis, il est souhaitable que ce ne soit pas un camp retranché sans quoi notre avenir serait déjà tout tracé. J’ai pour ma part prôné l’attaque en incitant les professeurs-documentalistes à imaginer l’éducation de demain au sein d’un new deal disciplinaire.